jeudi 28 octobre 2010

Rex Progress - Mais encore

Lucian Freud
"Etats de Crasse" a été écrit entre le 12 aout et le 30 septembre 2010 et "Rex Progress" du 09 au 12 octobre 2010.

mercredi 27 octobre 2010

Rex Progress - Epilogue

"Bouteilles" de Nicolas de Stael
"Bouts d'Elles et Bouts d'Illes" ou "Bouts d'Iles et Bouts d'Els"

mardi 26 octobre 2010

Rex Progress IV Ça manifeste


Sous quelle(s) condition(s) énoncer : " je suis seul(e) ", ne renvoie-t-il pas à un jeu de langage du même ordre inextricable que celui de dire " je mens " ? Il faudra en passer par la notion de " forme " pour que cette parole : " je suis seul(e) ", ait un sens qui ne confine pas au paradoxe, impossible même à fixer en ses termes. Car avoir la notion de " solitude " indique qu’originellement le lien fut noué. Être seul(e), au sens où l’on peut le dire, est une étape de/dans la solitude qui signifie que cette solitude n’est pas de dépossession. Devoir " en passer " par la négative pour cerner un concept, celui de solitude donc, en ce qu’il serait " vrai " ? ! Du moins fondé selon le sens commun général. La solitude véritable est ineffable (car métaphysique) et radicale. Elle est le fait de chacun puisque " la plupart du temps ", nous ne le savons pas… Quel genre de vérité peut bien constituer tout ceci comme énoncé ? – lorsque nous le savons. Lorsque nous le savonnons.
La bouteille a du cul-de-sac la finitude courbe de contenant. Une impasse (ou encore une rue sans issue) n’aboutit pas, elle pourrait conserver ses visiteurs si ceux-ci, pour partir, ignoraient qu’il leur faut, (à cette fin donc de quitter), refluer vers le goulot par lequel ils pénétrèrent (dans le cul-de-sac). Une bouteille abrite des liquides, des flux qui persévèrent dans leur être à des fins de devenir, devenir qui est, aussi bien, une fermentation ou une putréfaction. Les flux n’y circulent pas si ce n’est à tourner en rond, ils ne " passent " pas, ils mijotent.
Une bouteille est polarisée dans sa forme en ce que son rôle est de contenir, son importance est du côté de sa panse. Il faut savoir que jamais une bouteille ne rend avec plaisir son contenu car elle en devient, le plus souvent, bonne à jeter. Elle ne fournit jamais innocemment, gratuitement le plan balisé vers son issue (le goulot). Sa qualité est de contenir, sa qualité est la contention. Une bouteille n’est jamais neutre, non en vertu d’une nature mais par sa forme qui définit sa fonction. [On peut se poser ici la question de la " nature d’une bouteille "].
Qu’est-ce qu’un adepte de la dive bouteille ? Forcément un alcoolique ? Un dépendant ? Un jouisseur ? Est-ce le maître ou l’esclave qui boit ? [Cette question a-t-elle un sens ? ]. Question corrélative : Boire ? mais jusqu’où ?
Certes tout cela ne constitue qu’une métaphore, mais cette métaphore-ci, plus que jamais, a pour avantage de dénuder jusqu’à l’os le concept de forme. A ce degré de métaphoricité, en quelque sorte, la métaphore tombe. Comme la robe. Comme le voile. Comme le rideau. La réalité ou bien ( ?) le Réel saille hors de la fracture ouverte.
Est-ce de consister en une forme non-symétrique que la bouteille tient sa polarité ? sa possibilité de polarité ? sa faculté de polarité ? La tache de gras provoquée par ce concept sale ( ?) car peu honnête, peut-elle faire tache d’huile : se répandre ? Proliférer par cercle concentriquement propagé de son centre vers une périphérie inaccessible ? La bouteille tache-t-elle ?
Une bouteille remplie de sable est un gourdin qui en assommant, se brise et inonde.

Nos sociétés sont loin d’être au fond du trou, en revanche elles sont au fond de la bouteille, ou, plus simplement, dans la bouteille.

(cf (entre autres) Malraux : le bouchon qui se croit plus important que la bouteille ; les oiseaux)

lundi 25 octobre 2010

Rex Progress III


Je suis un jeune mec, j’ai le cheveu taillé haut, très haut, c’est à dire très court. Je suis le résumé d’une abstraction. C’est dans ce moule – d’une abstraction, qui ne contient rien à défaut de contenir du vent, dans ce moule qui contient un quelque chose qui est soi : le moule, que bifurqua ma route dans le jadis de maintenant. Ici je me suis séparée de moi-même, j’ai fait place au mot qui emprunta le chemin de se séparer de moi. Je n’ai toujours vécu que comme un personnage de papier et les créateurs m’avaient toujours donné vie avant que je ne naquisse. J’ai emprunté leurs voix ou leurs voies ; chez moi, autant du fait d’une homophonie non aléatoire – le français, ma langue, est ma Raison – que du fait d’une coalescence de l’encre à l’ancre, leur voiex fut mienne. Mi-haine toujours celle que ronge pour moitié l’amour. Je me suis lue partout à divers titres. Je n’ai pas de consistance, j’ai une essance : elle se nomme l’êttre et je n’oublierai plus dans l’avenir de me façonner un corps selon la règle qu’aura fixée autrui car si elle n’est de lui elle naît de moi. Veuillez, mille excuses, excuser le recul que je pris pour en défendre la Cause mais cette chause que le Hasard n’entérrine jamais est bien le Hasard et si je ne croise que le faire, je le fais toutefois avec l’art-deur. La teneur de mon dire : ne te prive que tant que dure la privation. Réjouis-(ensuite)-toi, jouis à pierre fente et ne relève du gant que la peau quand usée, elle se plie souple à toutes les coustumes. Oui, j’enfilerai la botte au chat qui pelote et grelotta du tas de ses contradictions. Je ne suis point simple – le moins que l’on puisse dire – est que de la sophistication j’ai l’innocence naïve de ne pas croire en toute foi non mauvaise mais simplement simple. Ne retournez pas la chose : elle se comprend en face à face, au pays des miroirs dont le reflet n’est pas sujet à caution mais à proposition de la part de sa source. On parle aussi de source pour une onde – une ondée : t’en vas la cruche à l’eau qu’à la faim tu ne te noyas point ; et, de fête, aile nagea. (Il vaut mieux manger quand vient la faim que se goinfrer sans faim). Connaissons nos fins dernières et nous serons exaucés et exhaussées. Salut à vous. (J’ai beaucoup de lectures face à moi). Ô Baise céleste – ce jour-si c’est sans ambiguïté.

dimanche 24 octobre 2010

Rex Progress II


Je suis un tas de chair à saucisse perclus d’hématomes douloureux, rien ni personne ne me contient et je me répands, je suis du monde l’homme le plus gros. Voyez mes plis flasques comme ils débordent, ils ne sont pas tant épais que coulants, à l’image d’un fromage trop fait, je suis posé sur cette couche qui supporte un poids de démesure, je suis une flaque de graisse nauséabonde : je ne me lève plus et ne me lave plus, tout juste si une mère armée d’une éponge frotte ce qui n’a plus forme humaine, par endroits seulement, non par décence, nous n’avons jamais connu ça, mais parce que beaucoup d’un corps qui fait légion dans l’affaissement, n’est plus accessible. Je suis un labyrinthe de graisses, mes plis ne me réservent pas l’extase de l’habit de gloire du malaise humain, j’ai beau fuir ce maintenant qui me cloue à ma rive de misère pléthorique, par un esprit qui s’esquive dans le refus de se savoir là où il en est : dans le tas, je n’en viens pas à l’illumination. Je ne peux que ruminer par l’échappatoire, je mange et je regarde la télévision : je suis bourré à l’extrême, jusqu’à être bourré à l’oubli. Rien ne me tient, ne me contient, ne m’enserre qui me détacherait de mon détachement, je ne suis que détaché des mondanités : je ne marche plus, je ne sors pas, je me répands à raison de quelques reptations supplémentaires chaque jour : la graisse progresse, elle pousse la graisse antérieure vers la périphérie d’un corps qui s’éloigne en permanence de soi. Je n’ai qu’une forme par défaut. Tout, tout me fait défaut. Je suis un sac sans contenant. Je suis le tas par excellence. Voici quelques années encore je réussissais à m’asseoir, les deux jambons de mes cuisses ouverts, mon ventre reposait entre, sur la chaise qui comptait double et qui a pendant quelques années offert à la mappemonde de mon cul une assise branlante. Elle a fini par céder, ainsi en suis-je " naturellement " venu à m’allonger. A me répandre. Je me répands par la chair, par la matière, je gagne des territoires si lointains et si inexplorés de la raison humaine qu’il m’est impossible d’en rendre compte à autrui. Je n’eus jamais d’autrui que la propre truie de moi-même. Rien, jamais, ne me fit face. La Chose la seule dans laquelle je ne me répands pas est le langage. Autrui a pitié, autrui se moque, autrui a peur, autrui compatit, autrui rit, autrui critique, autrui fuit, autrui s’asseoit à mon bord et tente de me saisir des mains depuis longtemps retractées dans des manchons de fronces adipeuses qui me dégoulinent au-delà des dernières phalanges des doigts. Autrui ne sait pas. Je suis las de leur pitié douceâtre teintée d’effroi. Ma seule consolation est ce qui me coule au fond d’un poids qui a fait puits sans fond depuis longtemps. Je mange. Je mange tout ce qui manque à autrui. Je suis le manqué, le raté dans sa marche de l’humanité. Je pends, au nadir, mon poids est au bateau sa quille d’équilibre – son tyran d’eaux. Son tyran qui a depuis longtemps perdu le sens de l’os et du squelette. Je ne suis plus un corps érigé, je suis l’échec et le repoussoir qui sert de butée répulsive à autrui. Je me couche face au Maître. Mais je n’ai plus non plus la force de redresser la nuque et je ne regarde plus le ciel. Je suis raide dans toute ma flaccidité, au-delà même de la raideur, je suis un sable dispersé, chaque grain coupe comme l’intangible mais le tout s’en ramène au tas dont la mollesse est tout ineffable. Je suis l’Innommable qui a rompu une carapace pour en gagner une autre. J’ai échangé un malheur contre un autre parce que jamais nul ne me fit face de cette façon que j’aurais à comprendre, comprendre que je suis seul. Ma solitude est inapte au concept de solitude. Je me fais défaut par là où l’on se fait défaut toujours, et je me comble de l’illusion parfaite : je ne me dé-pense pas. Je n’aime pas que l’on m’aime. Mais quant à cela, le risque n’est point. Pour résumer l’énorme, je ne me rassemble pas. Je suis passif.

samedi 23 octobre 2010

Rex Progress I


Comment le temps passe ! Ça ne fait ni une ni deux, je ne me rappelle jamais le jour : sur son coup – jour, mois, année ; rien qui reste, le souvenir, éventuellement daté, seul peut rester. Comme fleur de son bouton oublieuse, quoi que le jour dans sa formalité signale – rien, il ne reste rien, seule reste, la chair, mais qu’en faire, de celle qui tombe flasque autant que paquet de choses sans paquet, seul reste le tas. Ma mémoire est à l’image ! pour sûr. Pas de deux mais de trois et tant encore, tout ça. Le jour c’est flûte à jouer du vent : la mélodie sans les notes. Réfléchissons ! Que représente, à quarante-cinq années de bouteilles, le fait que je compte 45 fois le jour du 09 octobre et une fois une seule, soit dit en passant, le 09 octobre 2010 ? Rien. C’est une vieille habitude le 09 octobre, actualisé (le terme est très actuel quand on " s’informe ") à celui de l’an de crasse 2010, eh bien, malgré ! ça passe inaperçu. Autant que le 23 juin ou le 02 décembre ou le 01 janvier de l’année que l’on voudra. C’est qu’avec l’âge on se défait de tout et d’abord de ce à quoi on colle sans plus la notion de colle qui colle plus rien. Il faut un coup de semonce pour que les deux se rabibochent ! On saura définitivement que tel jour de tel mois de telle année, et même à telle heure ! il y a eu ça, un truc, un machin, un événement quoi. C’est du rare, c’est du lourd. Ça empêche pas que ça puisse se dissolver, je veux dire, dans sa date. On s’embrouille. Et des fois aussi, la chose fait date, mais sans sa date. C’est du pire ! Quand on vient pas à la manie d’écrire partout le jour, l’année, le mois, c’est assez mauvais signe. Quoique. Ça dépend. C’est selon. Les vibrations du compteur à radioactivités s’emballent dans le rouge ou alors, dans le noir, dans le bleu ou le vert, le blanc ou le sec. Faut pas chipoter, c’est tangent la notion de temps quand on en vient au souvenir ; ma mémoire, c’est la pagaille. Et pourtant je n’ai de cesse d’en ratisser le jardin, ses allées de pierres blanches, à force, se dessinent comme les filaments parallèles, courant tous au but d’un cheminement en méandres sans fin. Je crois avoir docilement rangé chaque caillou dans le tiroir de sa place au sein du devenir uniforme. Que dalle ! Mon jardin japonais est une jungle tropicale : conjuguez ces deux extrêmes, ces deux paradoxaux sans toutefois céder à la facilité des mélanges et du désordre, des contradictions ou du bizarre, vous verrez alors mon jardin. Borges ne l’a pas décrit mais prudemment contourné. On m’évite. Je suis un sac de temps hurlant, une outre comme une sirène qui chante le glas des jours qui ont tué. Je suis déjà morte plusieurs fois, y a qu’à choisir. Mon problème, de l’œuf c’est la coquille, de la graine c’est l’écorce et du plancher c’est la latte. Répugnance du lait sucré, chauffez-le et vous obtiendrez mes vomissures à vos chaussures. J’entonne le champ des canonniers, leur sainte est ma patronne. Non mais c’est dingue d’avoir à ce point suivi la ligne à laquelle depuis toujours confluent toutes les lignes et de ne pas avoir la notion de " conséquentialité ". Je veux dire, je comprends bien ce que représente une séquence voire toutes, mais là où ça bute c’est du côté du promoteur immobilier. Je n’envisage pas un Lieu commun. Un lieu commun à partir d’où, sous la voûte bienveillante d’une autorité souveraine et majestueuse, nous aurions été conçus de l’alpha jusqu’à l’oméga. Pas de Paradis originel, pas de jugement dernier. Pas de tête à triangle au-dessus de nous, ni Vishnu, ni Bouddha, ni Allah, ni Christ, ni Yahvé ou Perlimpimpin. Mon lapin, faudra-t-y faire, je prie pas. Je me lave. Et sans jamais tenir mon intérieur tiré à quatre épingles, infesté de poussières qu’il est, je m’habille avec soin. Je suis le paquet d’aiguilles d’une botte de foin, tu n’en tireras pas une paille : je pique et inflige le sang à qui me touche. D’une année à l’autre, d’un jour à l’autre, je ne change pas, pas vraiment, à la mesure seulement du temps qu’il fait. Je possède enclose par le menu la série des temps qu’il fit pour un temps qui fut chaque jour dans l’absence à soi-même, je chante parce qu’on me fait chanter, je croasse à l’échelle. Aujourd’hui il ne fit point beau. Ciao. Je m’en vais frotter mes lèvres au souci d’alcools forts.

vendredi 22 octobre 2010

Etats de Crasse - Clôture


Le beau Lièvre de Dürer, peut-être le cousin et l'ancêtre lointain du Lièvre de Patagonie.
"Etats de Crasse" a été écrit en hommage au peuple Rom.

jeudi 21 octobre 2010

EdC V Lé trange Drame


Nous n’appartenons pas à notre nom, mais nous obéissons à ce que nous nous donnons d’en entendre. Je ne suis pas libre en ce que j’ai (la) liberté, mais je suis libre en ce que je suis liberté. Les contours de mon corps définissent ma liberté, non pas de la façon anecdotique que mon corps a telle ou telle forme, mais simplement pour limiter ce qui est à soi sa propre limite. La liberté respire avec le corps, elle maintient le même taux, la même mesure d’elle-même quelle que soit la variation de cette respiration quand elle affecte le volume du corps avec celui de la liberté. Il n’y a rien ici qui puisse tenir lieu d’ombilic. Nous sommes libres parce que nous sommes. Notre difficulté à être détermine notre plus ou moins grande liberté. Le hasard existe mais nous ne le subissons pas au hasard. Au risque d’exagérer : notre destin coïncide avec une liberté nôtre. Ne cherchons pas à justifier notre liberté par le choix que nous en aurions fait car tout choix, toute activité du choisir s’effectue rétroactivement, dans l’après-coup – celui du dire implicite, alors que la liberté transporte avec soi, où qu’elle aille, son propre temps qui est un présent immuable. La liberté est l’Eternité dont on omet, dans son instant, la contemplation. L’extase est donc à un pas de distance, rares sont ceux qui le franchissent faute d’en connaître la direction. Faute d’être libres, nous revendiquons " ne pas être libres ". Mais être libres ne fait pas de nous des coupables.

On peut progresser dans la liberté. Il ne faut pourtant pas se voiler la face, nous sommes à la merci des contingences lorsqu’elles nous " dépassent ". La démesure est toujours ce qui pliera l’humain, devrait-il être l’agent de sa propre démesure ou de celle qui abat l’autre. Les circonstances (la Contingence) n’appartiennent qu’à l’opportunité, humaine s’il s’avère qu’il en est ainsi ; elles ressortissent, dans leur influence néfaste, de l’ignorance et de la peur, de l’impuissance aussi en ce qu’être confrontés à l’impossible nous ligote littéralement, mais si elles peuvent avoir une dimension matérielle ou physique insurmontable, elles sont, pourtant, le plus souvent le résultat ou le jouet de nos imaginations, cela revient à dire que nous sommes nos propres jouets en tant que notre liberté peut nous dépasser, que notre liberté nous dépasse de fait. Ce qu’il faut dire, c’est que nous ne sommes pas à la mesure, à la hauteur de notre liberté.

L’innommable qui s’abattit sur le peuple juif au cours de la seconde guerre mondiale, n’est pas abstrait, il ne s’est pas fait tout seul, il fallut la longue et lente agrégation des circonstances mauvaises que des Etats, des populations entières façonnèrent dans la mauvaise foi et la malveillance (le mot est faible). Du fait que c’est à des fins de génocide que ce peuple fut soumis à d’autres : à des populations réparties sur une bonne partie de l’Europe – l’antisémitisme ? presque une mode, alors – laisse supposer ce que nous savons : la faute en revient à l’Histoire considérée sous le jour de la faiblesse, celle des bourreaux, leur faiblesse morale. La force physique dont ils usèrent pour contraindre et tuer – la violence est le plus souvent un épi-phénomène de la faiblesse morale.
Le faisceau, pour ainsi dire matériel, physique, du " regard " se tend en quelque sorte " naturellement " depuis le lieu du vainqueur vers celui du vaincu, c’est à dire que l’orientation ou la direction du regard détermine la valeur autant de ce qui est regardé que de ce qui regarde ; ceci, celui-ci s’étant réservé une situation " dominante ", sur une hauteur, par la loi naturelle de la pesanteur fera tomber le poids de ses vérités sur celui qui occupe la basse situation. Il s’agit là d’un phénomène physique, et là encore " naturel ". Si ce dernier mot est employé à tours de bras, c’est à des fins de démonstration : c’est de façon " naturelle ", il faut comprendre ici " nécessaire ", que les choses sont toujours, à un moment donné, ce qu’elles sont. Si j’en passe par la métaphore d’un faisceau de regards, je le fais dans le but de donner une image concrète de ce à quoi peut ressembler non seulement une opinion mais, aussi, une pensée – et je ne mettrai ici aucune condition, aucune restriction atténuante, pas de " si ", pas de " quand ". Une opinion comme une pensée a toujours pour limites le moule d’être cette opinion – cette pensée. Dans ce dernier cas, parce que l’on pourrait croire une pensée à l’abri des idées toutes faites, des préjugés, des a priori, des facilités… bref, à l’abri de l’opinion, on en oublie que cette pensée a trouvé corps dans et par le corps même de ce qui fait La consistance : le faisceau, dans sa polarité.
Les raisons que se donne un misogyne pour être un misogyne ne sont jamais fondées, et si, une à une, il peut démontrer par toutes sortes de moyens et d’expériences fondés et irréfutables les légitimités de sa misogynie, si toutes ses raisons sont, en vérité, recevables et irréfutables, il ne faut jamais oublier que nous sommes là dans un cadre bien précis : celui des hommes qui regardent les femmes. " Les hommes regardent les femmes ". Ils n’en sont que plus des juges partiaux. Et si maintes femmes peuvent sembler corroborer, objectivement, les condamnantes vues des mâles à leur égard, cela provient toujours de ce qu’il y a du nécessaire à se conformer à ce que l’on attend de soi quand cela aura fait loi, aura fait loi pour avoir fait jurisprudence de toute éternité, objectivement. Il n’y a pas de dehors d’un tout, du moins aussi longtemps que ne se sera pas fait une fêlure. ( Ceci étant admis, il faut ajouter que nos systèmes symboliques ne sont jamais complètement étanches, ce fait – la fuite, leur est consubstantiel et fondateur). Au quotidien, les êtres qui se font face et s’affrontent, sont des femmes et des hommes : les personnalités, les détails recouvrent alors leurs droits et leur efficace, mais, encore, avec une ampleur " sous influence ". Les discours toujours plus ou moins marqués des hommes sur les femmes (les femmes ont le leur sur les hommes, mais elles ne sont pas en position dominante, et leur discours n’est bien souvent que la réaction autant soumise que revancharde ou défensive à celui du Maître) réapparaissent, pourtant toujours, sans avoir jamais cessé, parce que les moules qui les façonnent ne marquent pour reliefs que ceux que l’on est habitué à voir, et à exprimer. Les dimensions, couleurs et formes de ce que nous considérons dans le bain d’une considération routinière, passent autant inaperçues à notre regard qu’elles nous aveuglent, nous ne les voyons plus, nous ne voyons qu’elles, nous ne verrons rien d’autre. Et le misogyne fait naturellement tomber la responsabilité de la stéréotypie du discours misogyne sur la Femme (éternelle… cela va de soi) plutôt que sur la misogynie ! CQFD.
(Malgré les parallélismes que je trace, l’histoire dans son devenir du peuple juif, n’est pas superposable à celle des femmes.)
On n’en sort pas, non sans continuer à marcher à petits pas. Que la misogynie, dans nos mondes présents, recule ou ne recule pas, est affaire d’opinion et de lieu. Plus généralement, il faut comprendre que nous sommes modelé(e)s par tout ce qui a abouti à " ici et maintenant ". Et, on ne fait pas table rase. Ceux qui ont, violemment, tenté de débarrasser la table ont, tôt ou tard, toujours reçu sur la nuque le foudroyant bâton, dans son coup qui fait retour. Poco a poco, mais en rythme tout de même, un rythme soutenu. En se dégageant, surtout, d’abord de la malveillance, de la démagogie, de l’opportunisme et de l’hypocrisie. Bref, du crétinisme.
Mon but n’était pas de parler des femmes, mais de parler de tous ceux qui en sont, à divers titres, le Symptôme résiduel. (Résiduellement : la part de liberté, en tant que corrompue, des femmes est assumée, en se " déplaçant " dans sa composition grammaticale, en majorité, par des hommes quand leur déshérence est celle, paroxystique de la rue, ce lieu d’une liberté de la perte. Il n’y a pas, ici non plus, de superposition possible, seulement un reste, c’est à dire un quelque chose provenant d’un inépuisable et, en quelque sorte, " hors genre " . L’aliénation ne laisse décidément pas un grand champ d’action aux femmes… ou bien les lieux d’ébats de la folie, les hopitaux psychiatriques ? Le plus souvent la révolte passe par profits et pertes). Ce que serait l’égalité des sexes, de fait, nous ne pouvons tout simplement pas (encore) l’imaginer ; et si au moins la notion d’Egalité a quelque réalité en ce monde.

Mon but n’était pas de parler des femmes, mais de parler de tous ceux qui en sont, à divers titres, le Symptôme résiduel – après tout ce temps ! Les tenants de la misère, les miséreux misérables dont nous ne voulons pas comprendre que c’est à leur viande même que nous mordons, que nous nourrissons notre bonne conscience en toute ignominie. C’est, pour ainsi dire, mathématiquement démontrable et pour être une affaire de nombres, chiffres ou calculs de la plus pure espèce, ce n’en est pas moins une affaire de logique rigoureuse.
Soit : quand une logique drastique appliquée aux choses humaines ne ressortit jamais qu’à la Perversion.

mercredi 20 octobre 2010

EdC IV Univers-sel Rébut


Il faut avoir fait l’expérience de l’équation humaine pour comprendre les mathématiques. Cela qui aura trans-paru, cela peut s’échanger en perdant sa valence pour en gagner une autre, celle-ci que l’on pourrait, à juste titre, deviner comme l’opposée de celle-là, n’inscrit pas moins ce phénomène d’échanges ou de vases communiquants dans un monde polyphonique et contrapuntiquement polyphonique où toute binarité n’est que partitive et partielle et renvoie à une pluralité de fait, où ne se discerne la clarté qu’au prix d’une " Réduction " peu fidèle à ce que serait son acception d’" amenuisement ". Il faut chercher l’éclaircie du côté de l’Exemple par son Contre – son contre-exemple. Le dedans pour le dehors et le dehors pour le dedans, élémentairement. L’envelopppe, l’apparence qui désigne, cet " épi-derme " peut être l’armure et la carapace ou alors, et alors le " ventre mou " de l’âme.
Ainsi Montaigne assista-t-il, à l’âge de quinze ans, à la mise à mort de l’émissaire du roi, envoyé par ce dernier auprès du peuple afin d’annoncer au peuple que la gabelle serait à nouveau perçue. Un peuple, exploité et révulsé, qui enfla en furie et fut encouragé dans sa furie par la débâcle physique de l’émissaire, visible par tous les bouts d’un visage, de deux yeux, d’expressions corporelles qui suaient du sang de la peur face à la plèbe en rage. Rien n’arrêta plus la plèbe qui fit éclater un corps, un homme, un émissaire par le poing de sa colère animale enfoncé dans ce qui ne faisait plus office de façade, qui ne valait plus comme quoi que ce soit de solide en tant que " cela " s’oppose. L’homme ne sut pas mourir car il avait, dans la peur de mourir, désapprit à vivre quand cela exige une position de fait où l’on risque – où l’on accepte de jouer la vie contre la mort. Montaigne, fort de cette expérience, fut à même d’accomplir, dans l’exemplaire attitude qui fut la sienne lors de circonstances assez analogues, de longues années plus tard, le plein usage du système articulé de l’Exemple par son Contre, et ceci par l’Assomption du Symbolique. Il offrit une façade ferme et cacha sa peur autant qu’il l’avait escamotée. La vie est à ce prix de fraude. La force, ce n’est jamais ce qui est donné ou acquis, mais cela que l’on prélève et arrache de soi, et dont on sait pertinemment que ce n’en sera pas plus à jamais acquis. Cela se ramène à un " tour de force " que l’on attrape aussi aléatoirement et diffacilement qu’un " tour de reins ". La vitre de Montaigne, toute à sa fonction de miroir, montra à la plèbe non pas sa propre furie, mais l’inanité d’une furie non crainte et refusée. Le magnétisme d’une image sans bord, débordée ne joua pas, c’est à dire qu’elle joua bien pour fasciner mais non dans le sens de la désymbolisation – par la Déssomption du Symbolique – du corps de Montaigne (qui aurait été, dès lors, voué à l’équarrisage) car ce corps faisant face comme corps d’homme, d’humain, ne prêtait plus le flanc à l’orgie meurtrière. Le magnétisme avait été d’emblée désamorçé. Montaigne avait su, alors qu’adolescent, déjà voir et percevoir ce qui se jouait dans la scène du lynchage de l’émissaire royal. L’idée juste qui fit effraction à son entendement, put plus tard lui sauver la vie. Il y a fort à parier qu’elle maintint, cette idée juste, de par la fermeté que l’effroi et l’horreur avaient suscitée en lui, le corps de Montaigne dans le " paraître-juste ".Cela revient à dire aussi, d’abord, dans l’" être-juste ". Car, la droite directrice qui se tend d’une scène à une autre de même poids, en tant qu’elles se jouent, visiblement, s’ancre au centre : dans le cœur névralgique, l’Être.
En matière de mathème, cette idée juste qu’il trouva à formuler par tout ce qu’il fut (n’oublions pas qu’il fut en tant qu’il en témoigna : il écrivait), [nous ne saurions faire, ici, l’hypothèse de la scène originaire de son écriture] peut être située à la jonction du Chiffre et de la Lettre : dans l’algorithme. " L’algorythme ", démystification orthographique pour couper l’herbe sous les pieds des pédants qui m’accuseraient de pédantisme pseudo-scientifique.

La formule de l’A(d)venir est toujours une question de chance. S’il m’est permis de divaguer sur sa spécificité, je dirais, dans une expression à la seule qualité littéraire, que cette formule tourne et gravite et pivote autour de ce qui en fait l’énigme : une " constante variable ". Cela laisse présumer l’élasticité, cela laisse présumer l’évolutivité au sein de l’évolutivité. Nous nous dé-partissons ou dé-partageons dans un monde dont la dérive factuelle, physique nous dilapide aux innombrables coins d’une Dimension que nous ne savons pas qualifier.
A l’image du grain de beauté que le Narrateur ne savait plus distribuer sur le visage de son amante, (ou bien en ce qu’il " distribuait ", justement, ce qui a pour caractère son unicité), entraînant celle-ci dans lé-trangeté d’un paysage dont la contemplation, tantôt proche, tantôt lointaine, variable dans sa distance, annonce, selon moi et pour moi, le désamarrage du regard de ses repères ; à l’image de l’une quelconque des facettes réfléchissantes d’un caillou, la considération du geste de ceux qui devaient, après le microscopique d’Albertine, créer le maxiscopique du Landart, à cette image et devant toutes ces images de paysages éventuellement travaillés pas l’humain, je me pose cette question de savoir où " fixer " – ne s’agit-il pas là d’un attendu (d’un à-Temps-dû) fallacieux ? – devoir fixer ce qui fait le pivot pour chacun d’entre nous, pour toute vie, de ce qui ne bougeant pas nous arrime au mouvement.
Car si l’ordre symbolique est démontable, déconstructible et remontable, reconstructible à volonté, ne sommes-nous pas en droit de faire l’hypothèse que le seul Absolu, comme inaltérable qui désaltère, est bien cette mouche balladeuse qui affecte le visage de la Précieuse ; cette mouche amère des affinités temporelles, et temporaires. " Rien ne m’est sûr que la chose incertaine ". Le Bien (le Bon) s’avère être une convention et une contrainte formelles, aussi bien fonctionnellement nécessaire dans le respect que nous lui devons, qu’infiniment falsifiable et flexible par la remise en jeu permanente que nous lui infligeons. Quelque chose qui ne dure pas, pas vraiment et vraiment pas.

La Précieuse vous salue bien et se réservera le privilège de conclure.

mardi 19 octobre 2010

EdC III Univers-sel Rébut


Le jour où je suis devenue myope, ce jour-là, je me le rappelle, dura de longues semaines d’hésitations, et pour ainsi dire de doutes, pendant lesquelles je ne comprenais pas et ne me résolvais pas à comprendre pourquoi je n’identifiais plus les lettres tracées à la craie blanche sur le tableau noir par le professeur, la gêne était d’autant plus grande que je choisissais toujours de m’asseoir en fond de salle, au dernier rang des tables. Or, ce jour-là précisément, le professeur attaqua la relation de la " Nuit de Cristal ", acte immonde pour un nom cyniquement beau, perpétré par les nazis sur le peuple juif.
Moi, n’y tenant plus de loucher sur les notes de mon voisin – le seul garçon de l’unité des étudiant(e)s de deuxième année en faculté d’allemand – " louchage " fort maladroit dont je ne ramenais rien, et je ne m’expliquais toujours pas, et de moins en moins, pourquoi les professeurs au tableau n’appuyaient pas ou plus sur leur craie, je rassemblai tout soudain avec vivacité mes affaires autour de moi, et ainsi chargée, changeai de banc. Je m’assis dans une ruée au premier rang, le professeur un peu surpris de ce mouvement de foule à moi toute seule, assez bruyant au demeurant, me regarda d’un œil en continuant son cours qui ralentissait, puis (se) remit les deux yeux dans l’axe, le cours suivait son cours, placidement.
Quant à moi j’avais compris – que j’étais myope. Que les professeurs étaient innocents, que l’erreur de jugement provenait de moi seule et d’une inadéquation de ma vue au visible. Il me faudrait redresser le tir et m’acclimater aux lunettes, à leurs verres que, d’ailleurs, je devais choisir incassables et d’un matériau synthétique, artificiel, autre que le verre. Je n’avais pas eu, bien sûr, à en polir les lentilles. Mais lorsque pour la première fois j’en chaussai mon nez, j’eus une affectueuse pensée pour tous ceux qui par le passé les frottais et caressais en vertu d’une science optique déjà élaborée quoiqu’encore balbutiante. La justesse de la vue qu’ils rendirent à beaucoup, n’en fut que plus à leur gloire.

Les lunettes sont deux ronds de visage ramenés aux yeux. Montrant, s’il en fallait encore une preuve, que les yeux s’élargissent jusqu’au visage et que le visage se condense dans le regard. C’est à cette équation entre les deux plateaux d’une balance truquée, plateaux non strictement symétriques pour une équation aberrante, que les nazis eurent recours pour s’autoriser ( !) à briser, entre autres choses, les vitrines des magasins juifs cette nuit-là. Ils enfonçaient le poing dans un regard qui ne voyait plus : en vertu de la nuit, afin de soumettre à l’aveuglement définitif, par cette traîtrise calculée sur le dos de la contingence, soumettre ceux qui ne pourraient plus les offenser d’un regard et les rendre coupables pour leur faute prochaine. Les nazis gravissaient une marche supplémentaire dans leur ascension vers l’ignoble. Certes, le Bien s’acquiert, mais le Mal de même.
Une vitre est un miroir sans le fond qui donne à celui-ci sa profondeur de double. On peut, selon l’orientation de la lumière, se deviner dans une vitre en même temps que l’on en viole la matérialité parce qu’elle nous permet de voir en transparence, de voir l’intériorité qu’elle abrite tant bien que mal, par sa matérialité même. Elle représente toute l’énigme d’un visage qui voit et donne à voir, et ceci dans la force comme dans la faiblesse. De la fermeture la plus étanche à la défloration la plus exhaustive, dans l’échelonnement et l’échantillonnage d’une gamme complète, peuvent s’échanger les flux (de force) entre regardant-regardé et regardé-regardant. (La vitre), le visage est l’exemple qui loge en son sein le contre-exemple car c’est toujours d’un pour à un contre (et vice versa) que s’échangent les modalités de l’existence, toutefois dans la coïncidence, ou la correspondance, respectée des (de la ) catégorie(s).
Du pour au contre s’établit, ainsi, le déséquilibre d’une balance, à la faveur d’une nuit obscure où certains à l’encontre d’autres démolirent physiquement la capacité de répartie de ceux-ci, surtout dans l’esprit de ceux-là. Car ceux-là démantelaient méthodiquement, dans la fureur la plus brouillonne mais la plus instinctive, l’ordre symbolique qu’il s’agissait d’évincer au profit de l’érection d’une symbolique dont le caractère arbitraire quoiqu’affreusement logique laissait prévoir la durée très éphémère du régime inique – Mais, quand même, remarquera-t-on, l’histoire n’est que jalons d’ignominies, que celles-ci ne durent pas, n’empêche pas que les ignominies se succèdent au même titre que ce que l’on pourrait et voudrait croire légitimes de durer, ces périodes d’une relative paix et sinon justice, justesse.
Tu me regardes : je te vois autant que je me vois.
Tout mur est l’envers d’un spectre qui balaie le visible de la transparence de la vitre la plus cristalline au miroir le plus implacablement réfringent. Toute boucle s’y boucle. La surface opaque du mur ferme, de par sa nature, ce qui s’ouvre sur son revers. Prétendre se tenir d’un côté ou de l’autre de cette surface double relève de l’illusion, en ce qu’il ne nous appartient pas de désigner les moments où nous sommes et ceux où nous ne sommes pas. Nous changeons, comme nous (nous) échangeons.


Il faut en venir ici, à citer un passage d’un texte qu’il faudrait citer tout entier.
" Dialogues des Carmélites ".


-Oh ! j’ai beau être jeune, je sais bien déjà qu’heurs et malheurs ont plutôt l’air tirés au sort que logiquement répartis ! Mais, ce que nous appelons hasard, c’est peut-être la logique de Dieu ? Pensez à la mort de notre chère Mère, Sœur Blanche ! Qui aurait pu croire qu’elle aurait tant de peine à mourir, qu’elle saurait si mal mourir ! On dirait qu’au moment de la lui donner, le bon Dieu s’est trompé de mort, comme au vestiaire on vous donne un habit pour un autre. Oui, ça devait être la mort d’une autre, une mort pas à la mesure de notre Prieure, une mort trop petite pour elle, elle ne pouvait seulement pas réussir à enfiler les manches…
-La mort d’une autre, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire, Sœur Constance ?
-Ça veut dire que cette autre, lorsque viendra l’heure de la mort, s’étonnera d’y entrer si facilement, et de s’y sentir si confortable… Peut-être même qu’elle en tirera gloire : " Voyez comme je suis à l’aise là-dedans, comme ce vêtement fait de beaux plis… "
-...Silence...
On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ?
-...Silence...

lundi 18 octobre 2010

EdC II Reculer pour mieux sauter


La présence d’un arbre, face à la fenêtre ouverte, sature ma vue. Je suis la proie de son tapis d’air illuminé et irradiant qui me darde de ses orifices combles, de ses puits d’un vert puissant, tournants dont les lentes vis agitées, régressives m’aspirent dans l’en-deça. C’est par ses fermetures de passoire inverse que sa cloche en ramure au vent balance par paquets des souvenirs dans leur fuite, dans un évincement que je n’ai jamais encore réussi à retenir. Je me souviens de tout pourvu que l’on m’accorde le bénéfice du doute : le gain est parfait au jeu des dés en creux.
La seule liberté est-elle de se faire une idée juste ? Si la liberté est dans l’erreur possible : dans l’errement inhérent à toute quête avant que ne soit redressé le chemin jusqu’à son faîte ; doit-on alors concéder que la liberté se conjugue sur le temps de l’incertitude mais que pourtant elle est, à tout instant, car, à défaut de la découverte de l’idée juste dans son énonciation sommitale, l’idée juste est là déjà : dans la nature de la pente, du cheminement, du questionement soulevé qu’induit l’instinct ou l’intuition de cette idée dans la résolution de sa question ? La liberté est-elle une forme – une forme d’une sorte de goût ? de la juste pesée ou appréciation anticipatrice ?
Peut-on faire l’économie du concept, dans son mot cité, de vérité ? Vérité qui suppose un discours immémorial de la pensée – depuis toujours.
Est-il donc impossible d’être modeste en postulant la liberté comme " idée juste " simplement ? puisqu’ainsi, alors, elle répondrait à une sorte d’aristocratie arbitraire et innée : celle du goût. Quelle vanité. (Cela reviendrait à déplacer le problème, vers la notion de goût).
Pourtant, l’idée juste n’est-elle pas seulement (en ce qu’elle correspond) la cohérence, la logique ( ?) du requérant (celui qui s’ouvre à une/la question) avec soi-même ? Une petite liberté. Une liberté en guirlande d’à-coups ; des idées juste(s) libératoires ; une frise de pleines illusions ; une suite d’erreurs dont la seule vertu est de s’inscrire, en dépit de toutes les discontinuités, dans la continuité apparente et indéfiniment remise en jeu de nos existences. Une liberté remise à la libre appréciation des êtres humains qui, généralement, se caractérisent sur le fond par leur plainte au sujet de tout, et de rien.
Et – ce n’est que justice – la justesse de nos " idées justes " repose entièrement sur l’assentiment qu’elles trouvent auprès de chacun de nous, en tant que nous les trouvons/jugeons justes justement. L’épreuve de réalité, ensuite, la confrontation éventuellement contradictoire, reste peu de chose. (Nous nous autorisons à être persuadés de ce qui nous con-vient ; l’incohérence n’est pas incohérente car nous nous en accommodons, fallacieusement. Par manque d’acuité ou d’honnêteté. Le principe de l’idée juste comme liberté n’est pas remis en question. Car, que pourrait bien représenter une " liberté objective " ? sinon une absurdité. Une idée comme fausse ? Que serait-ce ? Chacun, pour soi, se tient pour dépositaire du (bon) goût ; du moins de ce goût qui juge et apprécie, depuis le mitant de notre personne opportunément à l’équilibre. Quelle Folie serait d’en douter ? Que serait une subjectivité, pour soi, non objective ? Une subjectivité non-vraie d’être subjectivité ?) " Vérité " ; ce mot est à lui seul une tautologie. Et de cette " tautologie " on peut faire une définition à la Vérité, une définition exclusive qui court-circuite toutes les autres. Par la forme.
Dormir pendant tout le temps que dure l’accident mortel ; ne pas se réveiller, ne plus se réveiller. Être passé de vie à trépas par la porte étroite. A quand aura remonté la mort ? La présence d’un arbre sature ma vie. Ça tourne, ma vie.

dimanche 17 octobre 2010

EdC I Caractérisation de l'oeuf de C.C.


La merde, c’est le temps fait matière. Les songeurs creux, ces rêveurs d’horizons que sont les âmes pauvres, dont les rêves résonnent de vacuité parce que leur imagination fut coupée et qu’au cours de leurs marches insatiables parfumées de leurs crasses, ils ne voient pour tout songe que le vide reproduit à l’échelle d’un vide immense, seulement habité des déchets de la société, les armes pauvres de nos mondes, démâtées du danger de nuire à toute intention, à la volonté, sont les rêveurs impénitents qui montrent l’inanité des rêves. Pour rêver beau il faut être riche. Pour rêver riche il faut être revenu, revenu du monde où se répercutent les vides, de mur en mur, de surdité en surdité, de folie à folie. Les vrais rêveurs ne rêvent pas, ils creusent ce vide que déjà, tout entiers, ils sont, maniant la pelle de l’épaisseur, dénués de toute subtilité, ils remuent la glaise moche qui façonne nos mondes, ils pèlent et dépècent, mettent à vif ce qui fait l’envers, ce qui fait la consistance, la vérité ou la profondeur de nos mondes, c’est à dire la bêtise de nos mondes. Ce fut encore récemment moins Dieu que la crédulité et la superstition, la peur ; c’est, aujourd’hui, toujours la peur et ce le sera toujours mais aussi la célébrité par le quart d’heure, l’" effet-peuple " (autrement dénommé le " devenir-monde de la peopolisation ", le devenir-people du monde). Mais ceci n’est qu’un détail au sein d’une soupe qui de siècle en siècle, jusqu’au siècle présent qui nous semble faussement plus superficiel que les précédents, affiche des représentations de soi, des représentations de la société où elle se saoule, la société, de l’évitement et de l’évidement de penser, même si toujours il y eut des penseurs ; et il y en aura plus ou moins toujours, de ce fait que penser relève d’une nécessité personnelle intime, de la Contradiction pure, le génie décroira et décroîtra, dit l’Autre, en démocratie, il se fera plus " rare ", mais pourquoi ne pas entendre dans ce dernier mot ce qu’est le jus pour le parfum : l’essence. L’essence n’en deviendra que plus capiteuse et plus captieuse.
Nos rêveurs d’horizon, ces clochards qui pas même ne mendient, ils n’ont pas le temps, marchent et baillent comme on bée bouche démesurément ouverte, à la lune, ils se nourrissent aux poubelles, aux déchets, ils puent, sont de déambulantes immondices, des repoussoirs humains, ils se drapent de nos mépris à leur endroit – à leur envers, ils se méprisent profondément, ils ne souhaitent que vivre et ne font que rêver des rêves qui sont les révélateurs de nos propres néants, de nos propres rêves un peu mieux habillés par nous, de nos rêves vêtus de masques illusoires, nos illusions, minables. Nos rêveurs de songes creux développent l’essence de chaque monde par la lie de son jus, le parfum dont ils sont embaumés, celui de la pauvreté radicale, celui de la crasse et du mépris, celui de la Merde dans toute sa vérité splendide ; ce parfum est la " Façon de penser " par son revers, la négation. Ils ne pensent pas, ils dé-pensent. Ils n’ont pas pour deux sous de richesses, l’objet de leur dé-pense consiste juste (précisément) dans le geste de la dépense de qui a tout perdu, il ne leur reste qu’à perdre, non pas la vie, la vie n’est pas grand-chose, mais l’honneur. Ils sont le Beau du monde parce que le Vide gonflé à la taille d’un monde. Une " Baudruche " dont ils ont pour tâche de veiller à ce qu’elle ne se dégonfle pas, de leur souffle ils l’entretiennent, vestales des temps modernes, base et terreau qui assure par la négation, son Illusion à notre monde comme Monde. Ils sont nécessaires – parce que la plaie est nécessaire au sang.

J’ai vu l’un d’eux, vêtu des croûtes de la crasse jusqu’à la noirceur profonde, assis sur l’orifice d’une poubelle de rue, feuilleter avide la feuille de chou d’un magazine à scandales : il mangeait l’aliment de sa marche qui infatigablement le transportera dans ce qui fait son vivre, le Rêver, et ce jusqu’à ce qu’il tombe. Il sera mort, déjà il l’était parce que le noyau sec a la vie tournée en dedans. La germination, c’est pour plus tard, c’est nous, " gens bien ", qui l’effectuons : nous la prélevons à la coque de la graine, à la croûte du merdeux, nous sommes la négation de la négation. Soit : l’affirmation dans tout son mensonge.

samedi 16 octobre 2010

Etats de Crasse - Ouverture



Etats de Crasse
Ouverture en majeur sur Sainte-Thérèse en extase du Bernin.