mardi 23 mars 2010

Loto-Fiction Petit Commentaire Terminal

C'est la vie, "Rosse..." prend un tournant puisque "Loto-Fiction" s'achève.

Ce pseudo-blog sera toujours à lire dans l'ordre chronologique de sa rédaction, c'est à dire à contre-courant des jours qui défilent et qui voient s'étager ses chapitres.

Viendra bientôt un "Vivre a-propos".

Loto-Fiction : "Je mens librement". Donc, fin.

D.C.

lundi 22 mars 2010

Loto-Fiction XIV


Papa et Maman ont, gentillement, dressé un cierge de part et d’autre de ton catafalque. Je te veillerai la nuit entière. Je la passerai à me remémorer brièvement la nuit de notre mort. Tu y attrapas le goût du mimosa, fleur poudreuse par laquelle tu composas toujours tes échantillons les plus lumineux. J’en avais gardé une poignée du duvet dans les cheveux où tu enfonçais le nez pour prendre une profonde inspiration.
Voisins autant que deux doigts d’une main, l’on ne pouvait nous séparer sans risquer de fendre la main en deux et comme, par hasard, ne se trouva point de lit encore disponible au dortoir des filles, on m’attribua une couche dans le dortoir des tiens. La tentation n’avait pas à en être une, mais simplement une occasion, une chance, le positif du hasard quand on le mène par le bout du nez. C’est, ce que nous faisions, enfants, d’instinct. Et tu vins. Visant à la coupe par sa fente. Et moi, alors, pure me retournais, voulant voir au visage, à ton visage. Quand tu te contentais de la pomme chevelue d’une douche brûlante et humaine, qui arrosait de tourment tes sentiments. Je me retournais. Je me retournai. Et cerise, elle mordit au gâteau, rouge. La petite mord. De cette tonsure tu ne te remis point.
Une nuit, seule, nous partageâmes le même lit pour l’éternité, l’éternité d’un échec. Une sombre nuit d’enfance d’où nous tirons la lueur qui nous mène encore. Frère et sœur en convalescence à la montagne, nous survécûmes à une blessure qui nous liait indéfectiblement. Tu as décidé de ne plus jamais en rompre des liens engagés dans le sang. Moi, j’ai fauté, je le sais, from now on. Et ne me renie point. J’entrerai, au lendemain des funérailles, en clinique, en vue de l’ablation de l’utérus. Quand ça ne sert point, ça prolifère par le défaut de soi, cette engeance. Je resterai cachée quelques instants, on ignorera tout de l’amputation de l’indicible.

J’ai bâclé ces deux derniers paragraphes de notre relation : il fallait en finir.

dimanche 21 mars 2010

Loto-Fiction XIII


Blaise, à dieu ne plaise, me disait P., j’irai dans ce jardin d’épines jouer ma fiction au loto – loto dont j’ai mangé et que point ne me rappelle, en conséquence. Cette nuit-là, nous nous tuâmes l’un l’autre. Et je ne me satisfais pas de ta lettre d’adieux. Elle est crasseuse. Elle est voleuse. Tu m’as dérobé l’avenir comme on coule sous le plomb ou dans le ciment la lettre même de la parole, celle qui compose l’alphabet sous sa multiple version. " Mon amour… " tu attaquais ! Balivernes. Où vois-tu que jamais nous nous aimâmes ? Nous nous sommes l’un l’autre bavés de regards moites mais manchots. Quand me touchas-tu si ce n’est par une main à poignée et à poigne ; je voulais t’écraser les phalanges, en faire sortir du lait comme le petit tailleur en fit sortir du gruyère. Un, un seul d’un coup ! Coup magistral !
Et plus loin tu dis encore : " … dans cet immense chaos, nous fûmes deux pour un… ". Pour " un " ? Et pour " une ", y pensas-tu ? Y pensas-tu jamais que tu ne fus pas " pour une ". Quel que soit le point jusqu’où nous n’avons pas poussé la fusion, nous serions restés deux : de l’impossibilité de faire disparaître – par ta faute tienne – la voyelle muette, et blanche, à juste titre. Elle fut, cette dérobée par l’absence, la Présence de notre incompatibilité réciproque. Tu ne m’as jamais touchée, eût-ce été quand j’étais écrasée de sommeil, sous l’effet de l’absorption de barbituriques, jamais tu n’étendis la main, jamais n’entras au contact de la chair par la chair. Je ne connais que le claquement de tes dents qui me mordent – pour m'éloigner. Et la poignée de mains du soir, qui est au sentiment amoureux ce que la réversion de la peau d’un ballon est à une orange dénudée : un reniement. Nous aurons vécu à l’envers, allant vers, sans repos. Et voilà cette lettre dont je déchiffre péniblement les voyelles, noyées par un afflux de consonnes. Nous avions ce code, ne jamais lire que par les couleurs. Ta lettre me vole, elle est par trop pâle, elle est par trop sombre. J’y lis ce signe d’une croix dont tu veux biffer ta vie. " Le destin ne nous a pas… ". Et coetera, et coetera. Crois-tu qu’il appartienne au destin de jouer le rôle d’un échantillon de colle ? Nous sommes éternellement tombés en deux, gisant au sol dans le mouvement de la chute que notre position réciproque au sol induit. Nous avons ravalé le mouvement. Pour être morts, il nous aurait suffi de nous relever de notre tombée. Tu échouas. Te voilà, donc, mort. Et ta Lettre est un parjure, elle ne me satisfait pas. Elle ne me satisfait point.

samedi 20 mars 2010

Loto-Fiction XII


Alors que je réfléchissais à l’attaque de la prochaine portion, celle-ci, de mon récit, je compris que toute audition d’un morceau de musique, que celui-ci ait déjà été ou non le lieu d’une écoute, nécessite, pour peu que l’esprit de l’auditeur soit en affinités avec cette partition, une mémoire au titre d’une mémorisation ou d’une remémoration qui anticipe toujours avec surprise, et procure de l’émerveillement, un insatiable plaisir neuf quel que soit le plaisir du renouvellement de l’écoute, ou de sa brèche si l’on croit découvrir le morceau. Le mélange hétérogène, hybride du connu et de l’inconnu est consubstantiel à toute écoute. Toute audition en cours, prépare une voie déjà tracée en tant qu’elle l’ouvre. On ne se lasse pas de ce qui, véritablement, est Musique.

Le Hasard, ce dé d’une roulette partiale et impitoyable, s’y joue du désir. Tout ce qui fut posé pour avoir été composé, jongle avec une adresse imparable, aux fins définitives, " jongle le devenir " dont nul ne sait rien, rien du résultat si ce n’est que dans son incertitude même le résultat sera, sera pour avoir été et ceci selon un avenir encore ultérieur. De cette improbable équation surgit un parcours entre des quilles qu’il s’agit de culbuter à l’instant même, un instant ni proche ni lointain, mais un instant précis, exact. Probable dans son échéance à l’instant-même où cet instant avène. Considérer le temps comme une machine permet d’établir une partition avec ses notes qui représenteront, chacune pour elle, chacune pour elles toutes, un " événement " au sens des mathématiques probabilistes. Un événement peut véritablement être ce que les êtres humains appellent un événement, mais aussi un papillon, une fuite d’eau, le décollage à vingt heures d’un boeing, le début sans sa menée à terme de la chute d’une patineuse, ou encore une couleur et etc…

Que toi et moi nous soyons croisés relève du Hasard ; tu l’auras compris – d’une inévitable rencontre quand on la joue sur le mode du futur antérieur. La Métaphore, là-dedans, est aussi bien la Figure du discours, employée à des fins de compliquer la compréhension de ce qui par ailleurs ne se comprendrait pas : pour être trop simple à dire quand il s’agit de décrire une chose aussi complexe.

La naissance participe d’une essence, elle donne tout et si tu la considères dans son sens le plus large, le plus " lâche ", à l’image d’une corde trop longtemps restée tendue et qui lâche prise, tu verras qu’elle donne, cette naissance, le continent, le pays, l’époque de l’histoire, le milieu social, la famille et le corps avec ses humeurs, sa capacité de résistance ou aussi bien, la couleur des yeux, etc… Ici, même. Aussi aurons-nous longtemps calculé le moment de naître et nous le fîmes tous deux à point, à l’instant prêt, juste. Pour endosser les oripeaux, les horribles peaux de la famille qui nous vêt de son air de famille, cette moindre appartenance à un souci terrestre, la condition-même et le poids de notre être-au-monde. Je peux maintenant l’écrire, tu es mon frère. Nous sommes, tous et l’un et l’autre, un emboitement de circonstances dont le déboitement : la souplesse d’articulation, donne à l’existence, à chacune en propre, l’espace d’être pour soi dans le devenir du temps conscient.

vendredi 19 mars 2010

Loto-Fiction XI


If only. You drove me crazy, my dear. That’s for sure. L’expérience de la folie, je l’ai faite au propre, parce que je suis morte un jour, un jour qui fut une nuit – là, encore, au propre et non au figuré car pour être une expérience de la nuit de l’âme, elle n’en fut pas moins une expérience heureuse. La Nuit de la Mort heureuse. You had driven me mad, dear, the dearest thing in my life.

Et je ne le relaterai pas ici, je le fis ailleurs, dans le courrier que je t’adressai par voie respiratoire. Il n’y eut que toi pour en connaître les tenants et les aboutissants ; que cela suffise, que se le tienne pour dit mon auditoire (et non l’hypothétique " lectorat " qu’il est par ailleurs, cet auditoire, mais/car " tout ceci s’écoute, avant toute chose "), auditoire que j’ai pourtant appelé à te juger, d’entrée de jeu. Qu’en fut-il d’une folie, supposée mienne (mi-haine) ? Elle fut parce qu’elle persiste. Entendons-nous bien, je ne suis pas folle, je suis une inaliénée, athée de nature, de radicale nature, raisonneuse et raisonnante, rationnelle, et fêlée seulement pour avoir sonné le tocsin des cloches jusqu’à la déraison dans un mouvement autorisé par le désespoir, mais pas plus, mais pas moins.

Mais il m’appartient de dire pourquoi elle est et fut heureuse. La réponse tient dans la corrélation du passé et du présent, pour un futur où, dans leur persistance de passé et de présent pour tels, ce futur ne fera pas défaut. Au cours du temps qui me reste à vivre, passé et présent se propageront, de cette folie, le long du temps qui visite à chaque instant l’avenir, avec cette même qualité de Joie, de bonheur de l’instant dans cette folie. J’ai vécu là-bas un moment dont la Probité est telle qu’elle me valut la Joie ; cette probité persiste et résiste, et elle se nomme telle parce qu’elle définit en nature toutes les qualités de cette Nuit-là. Une probité parce qu’elle est tout entière, à jamais, dans le souvenir qui m’en reste et qui ne trahit rien, qui ne la trahit pas – la Nuit de ma Mort, la Nuit de la Mort heureuse.

Ce pourquoi j’en viens à la mentionner ici, n’est donc pas sa relation (du verbe " relater ") c’est à dire la rédaction poussive d’un moment terminé, passé. Ce à quoi mon expérience vaut d’être ici présente est sa présence de fait. Non pas, non plus, qu’elle me coure sous la peau et m’abreuve, à l’image du sang, de la Raison de mon existence désormais. Mais sa clarté qui n’a jamais renoncé, l’anamnèse immédiate, brève où me plonge le moindre incident propre à la faire resurgir, cette anamnèse qui ne fait fi d’aucune distorsion du temps, d’aucune anamorphose d’un paysage contrarié, est l’exact moment de l’avoir vécue. Il est faux, il serait faux de dire que je re-vis, à la moindre occasion cette Nuit-là. Mais, de même qu’elle ne me reste pas en présence sensible, en sensation perpétuelle dans le corps comme le ferait une bouillotte, à laquelle la difficulté du vivre serait redevable d’une diffusion de morphine en continu à mes nerfs, de même qu’inconsciemment elle ne me procure pas le courage de continuer à aller de l’avant (ce qu’au demeurant je ne fais plus ; toi et moi, nous en sommes là, à ce Point de Mort, d’une Mort " décisive " pour ainsi dire), de même que je ne saute pas sur chaque occasion fortuite de la voir se dresser-redresser face à moi dans toute la force d’une évocation fiévreusement désirée ; pourtant. Pourtant, chacun des Passages provoqués par les situations diverses du gré des jours qui passent, est bienvenu, à ce titre que le souvenir ne fait jamais dé-faut à ce que fut ce moment. Je donnai le mot de Probité comme nature commune à tous les détails qui en ont fait la richesse. La Probité est devenue, par cette expérience, le phénomène et le lieu d’un (re-)modelage, d’une (re-)fondation, d’une " (re-)substantialisation " de tous les caractères (les qualités) de ce Moment-là, de cette Mort-là, comme l’odeur est devenue la qualité du flacon, une fois vide. Das Ding an sich. (Encore faut-il soulever le bouchon du flacon). La dénaturation de ce que furent les détails de cette Nuit-là n’est véritablement une dénaturation que si l’on consent à admettre qu’il puisse " exister " une gamme de souvenirs qui ne s’entache, qui ne s’entâche d’aucun poids matériel, que la petite madeleine n’est pas la madeleine, ni le thé le thé, ni les pavés inégaux d’une cour les degrés de remonter, dans une bascule de l’équilibre, vers un passé ou un hors-temps sauvegardé. La mort est la mort, elle fut, pour avoir été heureuse. Je parle pour moi.

jeudi 18 mars 2010

Loto-Fiction X


Enfoncer le faisceau intellectif de l’entendement dans la matière-monde qui nous entoure et à laquelle nous avons accès, immédiatement, primordialement, par nos sens, nécessite et suppose, puisque cet acte de sonde doit avoir une cause, un effet, une conséquence – afin que l’humanité soit l’humanité – la production d’une idée, d’une pensée, qui n’aura pu devenir telle que parce que nous employons, pour cela, les canaux de l’imaginaire, la faculté de l’imagination. Reproduire est créer quand conjointement s’accomplit un effet de vérité. Et reproduire-créer, serait-ce par les concepts austères de la pensée la plus draconienne et la prétendument " la-moins-imaginaire ", la plus réelle (oserais-je dire, prononcer ici un mot répugnant : " authentique ", ou encore " vraie " dans le sens de pure, de raffinée, débarrassée des scories adjacentes), en passe inévitablement, irréductiblement par l’imaginaire : parce que vivre présuppose toujours une pro-jection de soi, dans le futur et dans le passé, obligatoirement, si l’on prétend, au présent, de façon présente, être vivant, " être-au-monde ". La folle du logis s’avère être le véritable grillon du foyer, sa vestale si l’on veut. Et elle " re-produit ", elle reproduit (avec ce que cela comporte d’imitation, de copie littérale) inlassablement son petit cri d’alerte parce que nous ne saurions créer rien qui ne fût, qui ne soit, de par sa simple qualité de participer du monde, déjà de l’ordre du monde, quelle que soit la quantité ou la qualité d’imagination, de folie employée par ailleurs. De telle sorte que vivre, dans sa plus élémentaire simplicité, ressortit d’un présent qui, en permanence, joue sur l’articulation du futur et du passé, c’est à dire que le présent ne repose pas sur le présent. Cela n’existe que rétroactivement. Et le Nouveau relève du temps comme de son ressassement.

Et je te fus infidèle. Très tôt. Car, oui, comment veux-tu qu’une femme qui a appris à lire dans le grimoire de ses Maîtres, des mâles qui en passèrent tous par une certaine maîtrise de l’humanité et des Humanités, chacun en leur temps ; comment, dis-je, une femme peut-elle sans tiquer s’accommoder des images, toutes, celles-là mêmes, par exemple, que je viens d’employer dans mon petit laïus, qui basent la pensée dans des métaphores qui collent à l’Ordre du monde tel qu’il s’est jusque là, avec ces Maîtres, toujours pensé, et " donné " à penser. La pensée a un un lieu double, bifide pour se fomenter : son moule et sa propre réactivité – réactivité que je définis comme un lieu. Et quel que puisse en être le Travail, le travail d’influence réciproque de l’un sur l’autre au fil de la pensée, de son Histoire, il n’en demeure pas moins que toute Pensée, élaborée avec des concepts aussi abstraits soient-ils, quand bien même elle porte l’acte en tant qu’elle porte et supporte (ou le devrait) tout acte, reste, avec tous les paradoxes que cela suggère, un Lieu, au sens où " l’espace s’(y)accrédite du temps " : au sens où l’espace s’offre le prétexte, le subterfuge ou l’excuse, le " faux-fuyant ", du temps pour relever, par et dans une transcendance et/ou un devenir, le long d’une ligne " verticale " ce qui, pourtant, ne saurait avoir, jamais, de repère dans un sens comme dans l'autre, dans aucun sens, aucune direction. Nous sommes des " Êtres de Métaphore ", (c’est à dire, aussi, des êtres de Langages), pour le meilleur comme pour le pire. Il nous suffit de lancer une métaphore pour y croire, rares sont ceux qui prennent le problème à la racine et s’en prennent aux métaphores, cela s’appelle Penser et procède, qu’on le veuille ou non, par images c’est à dire par des Métaphores. Que le mouvement soit, de fait, mécaniquement, depuis toujours, lancé n’empêche en rien qu’il puise à une source vive, ou si l’on veut une origine : qu’il se fonde, à chaque fois, de sens ; ce qui demeure indéniable est la Courbure de la pensée (comme on a pu parler de celle de l’Univers) : comme courbure elle ne s’adosse à rien pour prouver sa courbe. Aussi tu comprendras que je ne me sois pas contentée d’un seul amant quand l’amant comme seul et unique que je pourrais avoir ou aurais pu avoir, met un terme à sa carrière par une fin de non-recevoir. Tu auras sans doute avalé ta voix. (De par le fait de qui ? – de par le fait de quoi ?).

mercredi 17 mars 2010

Loto-Fiction IX


Par la baie ouverte des fenêtres closes mais sans rideaux pour les obturer, la Toscane entière, avec ses ifs, avec ses cyprès pointus, amassés toujours, semble-t-il, sous l’effet de quelque coulée rugueuse de ciment et fossilisée, dont les mouvements de la brise ouvraient et fermaient les grands corps par pans, comme de vulgaires pans de tissus durcis dans leurs courbes baroques, la Toscane respirait, arrivée jusqu’ici depuis l’Italie voisine par l’enchantement de l’évocation que me suscitaient ces hautes concrétions de pierre vivantes, sempiternellement vertes, et de moi à jamais chéries. Pendant le cours de Mademoiselle Lelapin (sic), professeur d’histoire et de géographie dans un collège de la vieille ville, j’ai littéralement fumé, comme de simples pétards aux vertus astronomiques, ces cyprès, et les transports où me jetaient ces vapeurs d’orgasme me voyageaient dans le sens et le savoir, la Connaissance, l’apprentissage. Cela, cette fusion, cette infusion, cela passa, donc, par l’Italie. Ainsi, pour ainsi dire, par un détour – majestueux, il n’en demeure pas moins.

Ce suc, cette Joie, cette essence d’une ivresse m’apportaient aux sens, presque par anticipation, quoique, déjà et depuis fort longtemps, nous nous connussions, l’odeur de tes pores, l’odeur de ta nuque, l’odeur de tes poils, de tes mains ; et de ton refus. Et c’est de ce dernier parfum-ci que vinrent s’ancrer de toi à mon entendement, toutes les sauvageries d’une souffrance – d’une soufrance que je renifle encore et toujours, que je respire, que je perçois et qui me touche et me crucifie mais contre laquelle ma dent n’aura de cesse d’aboyer, tant tu barbotes, tu mijotes avec complaisance dans cette marinade préparée pour toi depuis l’enfance et dont tu ne te hisses pas hors du bain qui comble ta baignoire jusqu’à la saturation.

mardi 16 mars 2010

Loto-Fiction VIII


Lorsque je tape, lorsque je cogne sur mon piano, pour un quelque concert, je mets en branle, j’articule une remontée des profondeurs dont la nature de nappe, de vague, de noyade m’exhausse comme elle m’enfonce. Je tourne au centre d’un trou qui culmine. Je vagis, je parle, je bégaie et je rampe avec la grâce d’un mouvement de valse qui pivote autour de ses obsessions. Les mains déployées en oiseaux de plomb aimantés aux touches, je développe la jouissance de reproduire sans fin la liberté, sa sensation, mieux qu’une libération, la déglutition de la liberté, son avalanche, son avalement, son dévalement, sa vallée des joies, sa persistance scintillante. Le beuglement d’un rire perlé, et triomphant dans la soie et le velours. Des accents de larmes qui mouillent l’âme tranchante, cruelle qui toujours nie et refuse et ce faisant retombe, dans un mouvement ralenti et amorti, gracieux, sur un monceau de plumes où elle s’abandonne, offerte, balbutiante et déterminée. Minée. Et seule.

Tu ne ressens pas le besoin d’être seul pour composer l’échantillon qui offrira son refrain au motif, je peux rôder autour de toi. Comme une louve ou un félin femelle qui hume le mâle à la fourrure, je plonge le museau dans le col de ton tricot et tu te retournes, vif, et mords et saisis entre tes dents la note de moi que tu cacheras et qui articulera ta création. Moi, je suis le chiffre de tes œuvres et toi, tu es la lettre sans relâche dérobée de mon code secret. Et tu chois en permanence, et je n’ai que mes deux mains pour relever un monde aussi lourd par la pierre qui le leste que m’est lourde ton absence dans ta plus banale présence. Je pense à toi. Mais tu me prives de ton absence. Et je te touche, malgré toi.

lundi 15 mars 2010

Loto-Fiction VII


Hélas ! Hélas ! Pourquoi m’as-tu abandonnée, et je me suis abandonnée du monde, abandonnée dehors et abandonnée dedans, encore en gestation, encore dans la digestion de l’estomac du monde, encore là-dedans, cette niche à sensations. Et me remonte un filet de bave goûteux au palais, régurgité des repas que mes frères et moi passions alignés à table, tournant le dos au poste de télévision, auquel les parents faisaient face, assis voûtés comme la justice et l’imprécation aux lèvres : " Mange. Ne te retourne pas ". Il nous fallait manger, vite, (avec) les bruits et les images d’un monde qui se déchirait en charpies de sang, en violences guerrières, en récitations des résultats des sondages, en braiments politiques, en revendications syndicales, en tragédies inhumaines et autres faits divers aussi sanglants qu’avidement suivis par la fièvre perverse des spectateurs et, à l’imitation d’un véritable repas, la consommation de-, la communion dans le- cynisme s’achevait par un fromage et un dessert : il faut entendre là les frivolités dérisoires et obscènes qui terminaient et terminent toujours le journal du soir. Et nous mangions, cependant, aussi, des aliments véritables ou se prétendant tels, les gigots du Père Dodu, ces boudins de viandes constitués-reconstitués par les chutes, les raclures de fond de cuves de l’industrie alimentaire, nous mangions l’industrie par ses déchets ; mais aussi de bonnes soupes avec de gros morceaux de légumes frais, des rôtis cuits dans le suc exsudé de la chair qui chauffe sous les résistances du four, des fruits juteux et plus ou moins parfumés, des fromages empestant l’odeur forte de leur saveur raffinée, des gâteaux spongieux, dégoulinant un miel butiné dans la lavande et le tilleul. Et aussi des sauces de plastique, aussi colorées qu’un arc-en-ciel, artificielles et crémeuses comme le shampoing, innommables. C’était fait de ça, c’était fait de tout ça le temps de t’attendre, le temps d’attendre que tu parviennes jusqu’au réveil.

Mais ces jours-ci encore, lorsque tes souples ouvrières déposaient avec ferveur sur la moelleuse graisse animale, les fleurs du jasmin fragile, je pouvais observer tes narines se dilater, se déployant à l’image de la rose qui s’ouvre et déroule dans un mouvement tournant les pétales du fleurir, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, jusqu’à obscènement tendre vers le dehors, la racine, le cœur, l’origine des temps ; ce noyau du monde où chacun se baptise inlassablement des sensations intimes qui lui font un impudique secret de la naissance à la mort, une inaliénable et personnelle inharmonie, la ritournelle du vivre, d’abord sous la forme du mode mineur, celui des chuchotements et peurs nocturnes, qui viennent gonfler de consistance et d’angoisse le mode majeur et sophistiqué, superficiel, creux de la mondanité, du vivre-au-monde. Toi et moi travaillons dans les racines, les tubercules, dans ce qui sous la terre fabrique le jus qui s’exprimera au grand air, par l’action du croître et du mûrir.

dimanche 14 mars 2010

Loto-Fiction VI


Et pourtant. C’était déjà toi, le remède. Déjà toi quand du plat de la main, l’hiver appliquait ses bourrasques de froid sur nos sorties dominicales, en famille, ma mère, mon père, mes frères et moi. Nous remontions la vallée du Paillon, de dimanche en dimanche, chacun plus sombre que le précédent ; la résine humide suintait du flanc des arbres et balançait par paquets pulsés ses relents odoriférants poisseux avec ceux de la boue, de la pluie, de l’humus, de tous les déchets de la morte saison. Des journées noires surmontées d’un ciel lugubre, dans des paysages sinistres de laideur, dans des chemins creusés d’ornières, de ravines, de terre moite et gluante, nue jusqu’à la pendaison ; nous progressions, la tête dans le plâtre noir du deuil, l’épée en travers du corps qui n’arrêtait pas de retourner sa lame au creux du ventre à chaque cahot de la marche ; et encore les odeurs puissantes de l’humidité dans ses mille nuances de couleurs passées, des cris d’animaux comme des tocsins, la froidure insinuée autoritairement sous la veste, les arbres décharnés. C’était ma crucifixion du dimanche. Et le retour, à la nuit tombée, dans son carosse moderne de fauteuils en skaï et de moteur à vapeurs d’essence, filant à vive allure dans les boyaux de l’obscurité jalonnée des lumières éparses qui semaient en moi le désordre, la panique de la désorientation ; alors que mon père fumait de grasses cigarettes qui tourmentaient sans raffinement ma nausée des transports, qui reste chez moi sans remède, et la radio ! oui, je me souviens bien de la radio qui diffusait les émissions de la station de Monte-Carlo où de gras comiques bêtes rivalisaient de vulgarité cependant que mon père s’en tapait sur les cuisses en conduisant comme une brute. C’était le bol d’air du dimanche, dont le point d’orgue se déployait au crépuscule, lorsqu’il fallait déposer la tête sur l’oreiller et ne pas penser que la semaine recommençait avec sa mâchoire de fer, revenant me planter à la nuque les crocs du joug : la routine, le semper idem. Ma prison fut une enfance mais dans les jointures des jours, quand filtraient toutes les lueurs d’un mouvement de rotation qui n’en finissait pas, qui ne finissait pas de remettre sur le chantier les mêmes morts exactement, se contentant d’en varier les affûtiaux ; mais je n’ai jamais été dupe. J’attendais la libération. Et tu étais déjà cette bille de possibles, cette ampoule de couleurs iridescentes dans le fond du couloir où je pensais que, phalène, j’allais pouvoir me brûler à ton piège d’Amour et de Liberté.

Les chevaux des manèges de l’enfance furent de bois. Un papillon, cependant, proche, me bourdonnait sans pitié aux oreilles, en guise d’étoile sévère, bienveillante et salvatrice, il fit de moi une musicienne, j’ai raflé de tous ces tourments insatiables l’écume sale : les entrechats des bulles. De l’Illusion mousseuse, érigée en système dans son caractère proliférant, se dégage mécaniquement une force vive où je puise le son de parler. Le Prince de l’enfance, c’était toi, c’était celui qui saccagerait l’enfance. Tu es tout entier le rythme et la force où je suis prise de tisser une toile arachnéenne dont la seule beauté soulève son réseau de mailles de plomb qui m’enchaînent pour toujours. Surtout, ne rompts pas le charme. Soutiens cette grâce qui désarticule chacun de tes gestes, toi, dont les costumes désuets, rococo font merveille parmi les flacons. Le charme tient à un souffle ; à un souffle léger plus puissant que l’or.

samedi 13 mars 2010

Loto-Fiction V


Ta page, heureusement ; noircie en diable, affreuse, hideuse, décorée de putréfaction – la tienne, la mienne, la haine. La rutilante haine, et sans retour, sans détour et sans regret. Et cela prendra du temps, de telle sorte que si nous avions dû vraiment nous retrouver, ce l’eût été aux calendes grecques. Il n’y aura, jamais plus, de temps pour nous : ce qui constitue un nous ; un toit et un mois, un mois dans l’année où enfin, une date où enfin. En fin, finalement ? Niet, nada, nevermore, niemals. La balle était dans ton camp et tu l’as enterrée comme on le fait de la hache après avoir abattu l’arbre, la forêt décimée tu revendiques la naïveté. Mais comment ? Jamais, jamais je n’aurais cru que… Mais oui, piètre couillon, " ça " comptait pour moi, ça contait. Et tu as versé au conte la stupide fable de l’abnégation, de la dévotion, du pur amour. Mais je me nourris d’autres aliments que de la purée, du ragout, des ortolans et des frites, d’autres aliments que les pois et le gigot. Y as-tu pensé ? Un seul jour pensé ? Que l’on ne fabrique de véritable histoire que par un dialogue. Nous discutions, chacun à l’autre bout du sofa, la distance de tout le tissu rouge du velours nous séparait. A peine si nous nous contentions d’un strapontin, nous nous serions bien séparés d’une pièce, d’une chambre. Pas même nous ne faisions chambre à part, pas même nous ne faisions oreiller commun, tout, tout comme un vrai couple, tout comme un vrai vieux couple centenaire dont la plomberie usagée a cessé de fonctionner. Et maintenant, cet inutile robinet qui a éternellement sa goutte de vieux au nez. La miction pour toi mais pas la mixtion pour nous. Tu as agi en égotiste. Tu es un vrai dandy, une dandinette, une trottinette, une poussette, une carriole, une charrette, un chariot. Tu ne traînes que ton poids, lourd de kilogrammes de plumes bariolées de sang. Avec tes plumes trempées de ton sang tu as cru écrire une page, celle de ton suicide, et cela même tu l’as raté. Malheur à toi. Je te tirerai dans la boue par le chignon de tes boucles jusqu’à ce que tu ressembles au triste bonhomme de suint. Tu es le dernier mouton du troupeau de Panurge : tu as attendu que tous aient sauté pour en faire autant. Il te fallait au moins une preuve de ton unicité, de ta valeur extra-ordinaire. Parce que tu as toujours pensé que la valeur se découpait dans un irréversible et irrémédiable désespoir, lu en face. Tu t’arroges à peu de frais, facilement, le caractère de la grandeur.

Tu t’imagines que la copulation, aussi, puisse se doubler d’une apparence ? Or elle est la chose la seule qui n’apparaisse pas. Tous les écrans de la pornographie constituent le ratage où l’humanité s’arrête face au mur d’elle-même, le nez cassé. Tu crois vraiment que tu m’as fait le don de l’apparence d’un couple ? La saccharine ne nourrit pas. Tu n’as trompé que le monde. Pas moi. Tu devrais le savoir. Mais je crois bien que tu l’ignores. Ta manie, ta folie, ta maladie, c’est l’imagination. Tu en es dépourvu au point de croire que tu la possèdes. Celle-ci. Nous. Elle et moi. Tu es l’illusionniste de ton cabaret intime. Quand tu respires tu crois que tu vis. Ce n’est pas faux. Nous avons baillé ensemble : notre baiser sous une radicale contraception.

vendredi 12 mars 2010

Loto-Fiction IV


Cela s’installe. Un trait bleu, implacable et large, devant les fenêtres – la mer. Et des coups de canifs acides qui en ont déchiré l’apparence épaisse et montrent par la trouée, des voiles que le blanc sous-tend parce que le néant qui soutient toute chose a cette neutralité de la matière fade. Des voiliers se déplacent, remuant à la surface des choses ou bien de la Méditerranée, des accrocs dans la toile qui démystifient le système de la Nature. Tendu de consistance trompeuse, le monde s’étale en travers de nous, il est fixé aux quatre coins par des piliers qui tirent bien sur son tissu : de façon à ce qu’il ne plisse pas ; il ne faudrait pas que l’on soupçonne, que l’on suspecte que tout, tout cela ne consiste qu’en un voile. Les bateaux, ici, véhiculent une vérité que nous omettons de voir en la cachant dans le mot " Beauté ". " Paysages " de rêve, illusion – mais impitoyable vérité. La Mort est derrière le tout du monde.

Pourquoi cette triste envolée lyrique ? Tu t’es longtemps déplacé à l’image du voilier sur la crête horizontale de toute eau. De celles qui balancent comme de celles qui fuient sous la poussée du courant. Tu étais ce rameur aux aréoles de sueur qui pissait aux poissons une semence rancie que seule l’attente transformait pour moi en le plus beau liquide lactescent. J’espérais, une méta-morphose, une alchimie. Et force m’est de constater la nature indéfectible de l’urine : il n’y eut pas de Cana pour nos morganatiques noces. Tout se crée, se transforme, rien ne se perd ? Vraiment ? Tu es donc la mort puisque tu fus l’aboutissement de toute chose avant que d’avoir été. Le point qui conclue la phrase, en toi, est posé alors même que se dessine la majuscule qui l’ouvre. Et ce qui nous différenciait et ne nous différenciera plus, c’est que tu étais mon principe, je ne m’ouvrais qu’à me fermer, ainsi que le voulut la réplique que je fus. J’acquiers maintenant une autonomie et si je ne sais encore que fonctionner selon cette motricité de " chasser-rattraper ", je vais désormais me penser de façon à changer les règles du jeu, de telle sorte qu’elles soient vidées de ta présence. Ton absence constituera, alors, une réelle présence dont la nature n’aura plus rien à voir avec la tienne. Je te raye, je te raille – de façon définitive, irrémédiable, impardonnable. Tu n’es pas intervenu ? Alors malheur à toi. Je te dessiquerai jusqu’à la poudre, je te dissèquerai jusqu’au dernier poil. Dussè-je te tuer de mes propres mains, de la plus aimable manière concrète : le stylet. Le stylet, dans l’apparence anamorphique d’un clavier à musiques délétères. Le grand style, quoi. Ça risque, ça saigne, ça morfle, ça morve. Tapageusement.

jeudi 11 mars 2010

Loto-Fiction III


Mets ta mort fausse. Mets ta mort fosse. Met à mort la ptôse de la substance. Quel en est le sujet ? – de la proposition dernière. La femme, cette femelle – Moi. Dans sa toute personne plénière et volontaire. A fond le volant de la fosse vers les autoroutes de l’information. On me lira, on saura et tu blêmiras. Où est le blème ? Tu as survécu. Non-paix à ton âme. Puisses-tu bouillir dans ta sueur quand tu liras ce qui suit. Ce que je suis. Car tu m’ignoras. Tu n’intervins pas. Alors malheur à toi qui tergiversas tant que la cruche coula.

Car savez-vous ? Gentes dames et gentils garçons qui ci-devant lisez, que nous – moi et lui – nous connaissons depuis des temps immémoriaux : Mathusalem au moins. Et que jamais, alors qu’aux berceaux voisins, l’un à l’autre, et alors que nous partageâmes des décennies de vie commune, que jamais le calme, la léthargie, les flots du balancement routinier jamais ne furent rompus. Oui, vous croyez comprendre ? Vous avez compris ! Jamais, jamais rien ne se passa. Du passage de l’un dans l’autre, point… De telle sorte qu’il est puceau. A près de 50 bâtons, son bâton de maréchal est le seul qui ne s’use pas, les autres, les tirets, les traits des années, les barreaux de sa prison désirée comme telle par lui, il les aligne avec cupidité. Moi, je n’ai, dieu merci, pas attendu. Mais je le plaque car il me trompe : sa prostate annonce la fin des hostilités. Ce qu’encore il eût pu, avec un peu d’esprit de décision, se refuse du fait de la nature. Je serai une nature seconde. Je le plaque. Je l’aimais malgré. Qu’en pensez-vous ? Il est content d’être remercié par la nature, il n’aura plus d’effort à faire serait-ce par l’imagination d’en devoir faire un jour. La goutte ultime, de toutes celles qui ne vinrent jamais, fait déborder le vase par l’absence. La vase dégorge. Je m’en vais te cracher toute ma rancœur. Ensuite, je serai propre.

mercredi 10 mars 2010

Loto-fiction II


Et ne croyez pas trop à ce pic, à cette péninsule : nul n’y accosta jamais si ce n’est la détresse drapée de tous ses oripeaux de décadence – le dé en cadence, c’est le Hasard sur le fil du rasoir, et qui trancha jusqu’à la gorge, nue. Ça saigne, et tant pis. A pis que pendre, du pis de la vache et de pi 3,1415926 : la quadrature du cercle c’est pour toujours et tourne, je tourne en vase clos, je tourne toujours dans les remugles de mes odeurs, j’y suis vouée comme à un enfer se dédie la vase qui mijote dans les vasques de toute maîtrise. Ô Maître ! Sache que je te tords ici le boyau jusqu’à l’exhalaison de tous les sels qui ont tenté de te rendre, jusqu’ici, connaissance. Tu n’auras plus ma conessence, tu moisiras dans la cellule parallèle à la mienne et de nos tréfonds voisins et incompatibles comme le sont l’huile et l’eau, remontera la seule union qui nous reste. Le souffle mêlé de nos pourritures en marche. Comme tu le lis, ma langue pète le feu mais c’est pour mieux t’éteindre, ma hideur. Enfance de l’art, enfant vieillie et cacochymie de la dépendance qui se rebelle. Je te planterai le pieu jusqu’à la garde, je te promets que je t’oublierai jusqu’au bout. Car je lance ici, par ce mouvement, une grande lessive où tu vas déteindre jusqu’à la transparence.

Ce qui me chante l’horreur à tous les trous du corps, c’est que je doive te parler pour te rayer. En passer par là : l’évocation, quand je voudrais tant être dans les temps d’après, ces pâturages où l’on broute de la laitue. Dans la mythologie antique, si mon souvenir est bon, la salade attribuait la stérilité à la femme. Bénie soit-elle, la batavia, si elle me permet de consommer en permanence le non retour dans et par l’amnésie constante et perdurable.

mardi 9 mars 2010

Loto-Fiction I


C’est maintenant. Je vivrai désormais avec ce flanc à vif, sans plus aucune main, dans son possible toujours remis, pour en ombrer de délicatesse les purulences douloureuses. Ça saigne, et tant pis. Ça saigne et temps pris à pendre l’espoir qui a désormais la langue violacée toute dehors. Je gerbe de dégoût face à l’imbécillité qui m’accompagne chemin défaisant, et tant pis. Il n’y a pas lieu de se plaindre : je suis seule.
Et dieu m’en est témoin, je passe la main de la plainte au silence. Tout, désormais, s’écrit dans le silence. Ici je me tais, jusqu’à la fin de mes tempes solides. Ici j’écris pour barrer et point pour effacer car il faut que l’on sache. Le crétinisme n’a plus à m’observer, je passe la main et ne compte pas qu’il en fasse de même, mais il suffit, comme je le décide ici, que de mon côté l’huître se ferme. A jamais et pour jamais. " Peut-être jamais " a-t-on proféré ? Jamais plus, c’est décidé. Je prends ici la résolution au pied de la lettre. De ce pied je creuse une tombe qui s’éternise jusqu’à ma mort, certaine elle est ma mort, comme à chacun, mais de la mienne je déciderai. Ça saigne, et tant pis.
Suivez ici comment, depuis longtemps, j’en suis arrivée ici.
Avis aux –mateurs, j’ai quarante-cinq bâtons, 45 cercles à la souche de l’arbre abattu le jour de ma naissance. Je suis morte avant que de vivre. Je ne suis pas née, tout juste nez.