vendredi 4 mars 2011

- 3 pour 1 - 3.


A mon chair é clair de chaux(colat) é tendre,

Le langage est un voile qui se dépose délicatement sur le chef de votre crâne et, vous prend inexorablement aux cheveux. C’est un supplice à froid qui monte à la brûlure intense par des moyens dé-tournés mais qui vont jusqu’à la relapse, ce détourage. Il se fait vôtre par immersion dans le cuir (chevelu), à même le suif et descend dans le sang par quoi il se propage aux viscères et aux membres, il atteindra enfin les ongles puis donnera les angles : à polir par la rhétorique, c’est là le rire du langage, son dernier pas avant la chute hors du corps pour retomber à la poussière. Il a accompli une vie humaine, draguant la lie des fonds de courants d’abord : par où il s’inscrivit, puis s’en dégageant avec aménité peu à peu, à chaque tour de roue par lequel il s’élève, il prend plaisir à gagner du galon : de degré en degré il peut devenir parfois élégiaque. Ou épique, alexandrin ou dodécaphonique etc… Quand il aura parcouru chaque station du corps d’un être, remonté du profond vers la périphérie parce que la peau pèle, mais oui, simplement, alors il s’élimine, l’être tombe, son verbe l’a quitté, il a bouclé le cercle, l’être en est mort. Sur le sol, un amas qui peut fertiliser une récolte qui ira en nourrir un autre. Le langage est une matière qui ne s'ignore pas toujours. Il ne se distingue pas d’un tissu que l’on ne peut visuellement pas distinguer, il n’a pas de touché possible, il n’a pour lui que la prise en force qu’il accomplit sur l’être depuis son toujours. Sur l’âtre, cette cervelle qui brûle par combustion d’un corps qui, en cela, se renouvelle. Ça chauffe. C’est au principe du vivant la supposée chaleur, l’énergie qui se manifeste. Ça se répand partout le langage, ça fuse, ça pète, ça rouspète et ça chante. Mais n’oubliez jamais de lui rendre grâce : pissez partout où ça passe, cela porte pour nom " marquer son territoire ".

De mon temps de collégienne, les gamines usaient d’un terme que je récusais pour crânement désigner leur petit-ami en voulant marquer une maturité, alors qu’elles ne témoignaient que d’une grégarité, parce qu’au demeurant c’était un mot qui dénotait une servitude à un degré supérieur à ce que la fièvre moutonnière laissait déjà penser. Elles disaient " mon mec ". Pas une ne faisait exception au sein de celles qui arboraient un petit-ami. Cette uniformité d’appellation me déplaisait d’autant plus qu’au pays où une femme pouvait vraiment se revendiquer liée à un tel terme, alors comme maintenant, une femme appartenait ; elle n’aurait pu s’y prétendre l’amie d’un mec, la Mecque veillait. Pour être juste, j’avouerai jusqu’au bout. Le seul petit-ami de mes années scolaires fut celui de la maternelle, il portait un nom étranger incorporant le doux nom d’ " Allah ". Je ne mens pas. Allah était libéral. Il était fils d’immigrés. J’en garde un gracieux souvenir. Je lui donnai un jour une bague. Puis j’oubliai. Des années plus tard, et il est vrai que nous effectuions des scolarités parallèles, proches, il trouva l’occasion de me le rappeler. Je fus étonnée. Je ne manquai toutefois pas de lui faire remarquer que si je lui avais bien fait un don – celui d’une bague – c’était pourtant lui qui en avait gardé le souvenir. Mais, passons, ce qui tombe là n’est qu’une anecdote sur la soupe du jour.
Il faut savoir parfois passer outre les mots, ce qui, je le concède, n’est guère aisé lorsque l’on n’en a pas l’instinct, et en venir de façon directe, radicale, aux actes et aux êtres. Pour " se rendre compte par soi-même ", ce que je fis avec " Allah ". Les gamines s’en tenaient à un mot qu’elles jugeaient séduisant mais qui à moi, parce que déjà j’avais l’oreille de ma maladie, ne me sembla que trop franc – du collier. Du joug. Ce qui restait de servitude (beaucoup), se montrait là. Et se montre encore. " C’est l’histoire d’un mec " dit la vulgate.
" Mon mec " est une expression, elle appartient pour ainsi dire, presque uniquement à un langage idiomatique, elle témoigne, c’est à dire que dans sa profondeur elle fait aussi montre de toute sa superficialité. Elle témoigne d’une croûte. De l’apparence que l’on voudrait nous faire prendre pour le moine. Toutes les réflexions qui précèdent et celles qui suivront, n’entament en rien la religion musulmane dans sa vérité. Je m’en prends à l’usage bête que nous en faisons. S’appuyer à une "Isle", au sens où l’entendirent Kant ou Hegel n’aurait rien que de très noble et de très haut pour le genre humain. Je veux penser que le sens qu’ils donnèrent à leur ambition a quelque chose à voir avec l’Islam dans l’idée même de ce qu'ils essayèrent d'espérer pour l’humanité, ne serait-ce, justement, que pour la " hauteur de vue ". Être une " ile " pour une femme, c’est enfin laisser tomber le superflux de " femelle " où toujours l’on a voulu les confiner, cela consiste " seulement " à ajouter la marque effective – inaliénable – de la Disparition (e) au général, à la généralité, une généralité hégémonique, certes. Mais il faut savoir ce que l’on veut et de surcroît savoir que ce ne sera qu’une étape. (Dont, d’ailleurs, rien ne permet d’anticiper si cette " étape " ( ?) aura quelque existence effective). Mais une étape qui pourrait bien plomber la généralité dans son hégémonie comme telle. Nécessité oblige ? Parce que les moyens ne valent pas la Fin. Et je serai cette isle ; cette plage d’un temps d’hypothèse : l’hypothèse d’une hypothèque – sur la féminité telle que nous nous la représentons.
Jouons – veux-tu ?
- 3 pour 1 - a été écrit au mois de décembre 2010.
Epilogue provisoire :
Au jeu de piste des blasons du Corps, je demande la bague : l'anneau/la pierre, le trou/le point, le point ? la dent, la petite dent pyramidale, la petite étoile lovée dans les plis de soie de la voûte céleste et que l'on peut observer depuis les hauteurs du Venusberg.
Les Pierres du Mur des Lamentations.
"Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise".
La Kaaba dite Pierre Noire.

jeudi 3 mars 2011

- 3 pour 1 - 2.


A mon chair et tendre, je soumets cette réflexion :

L’événement " contemporain " (et, de fait, il définit toute notre notion de la contemporanéité) le plus remarquable, il est notable par excellence, et qui recoupe tous les événements de notre temps quel que soit leur ordre – mais pourtant, toujours d’un ordre éminemment Politique – consiste en ce que chacun retourne le langage. Et chacun retourne le langage à son avantage. Le langage possède une structure de cube à n dimensions, modifier l’une de ses facettes selon un quelconque paramètre, serait-il anodin, a pour conséquence une altération, un changement sur les autres facettes. Ce " rubik’s cube " démesuré articule les différentes langues de la terre, comme il articule les différentes propositions rangées par ordre, " par facette ", du lang age. Il m’a toujours semblé que le centre du cube, ce point où s’adossent les plaques tectoniques du langage, cette machinerie de rouages qui permettent les rotations des détails ou des faces, abritait, si l’on en adopte le modèle pour un " système des langues ", le Néant. Venant de moi, cette mention, en outre, d’un cube à " n dimensions " laisse clairement entendre : une structure à Haine-dimensions. Vous détenez là la Représentation du Monde tel que je le conçois.
Aucune langue n’est indemne de l’autre (de tout(e) autre), des autres.
De façon tout à fait perverse et pervertie, n’importe quel quidam peut maintenant revendiquer une assertion qui, même de façon criante, témoigne d’un sens à l’opposé de tout ce que ce quidam représente ; mais, peu importe. Celle-ci aura été par lui recherchée pour son " apparence " et par lui " adaptée " selon ses intentions. Ce qu’il faut bien appeler l’art de la Propagande a opéré l’ultime retournement du Langage en faisant de ce retournement un mécanisme pour ainsi dire automatique. Mais qui aura son temps ? Car arrivés à ce degré de " dé-crédibilité " du Langage, nous avançons en " roue libre ", le frein risque de venir de la lassitude, de l’ennui, du scepticisme généralisé, et donc du report violent vers les croyances ramenées à leurs côtés les plus butés et bornés pour cette raison que l’on exigera qu’elles ne se payent pas de mots (et donc de pensées).
Désormais, un nazi peut revendiquer Voltaire pour sa Liberté de ton. Les approximations que l’on confère et infère ainsi au et du langage relèvent tout aussi bien de méticuleuses précisions. Cela est devenu possible car le Langage n’est plus dans le Langage. Pourquoi notre profonde pellicule langagière qui a, de tout temps, articulé les êtres humains aux êtres humains et ce même avec toutes les défaillances que nous savons, et par dessus laquelle notre position de surplomb nous assurait, bon gré mal gré, une cohésion de fait au-delà des divergences et de l’avancée le plus souvent contradictoire et chaotique de l’Histoire, pourquoi ce tapis qui formait notre sol déjà pluriel dans son apparence, semble-t-il se fractionner encore et encore dans son dessin (dans son dessein ?) ? Le monde devient-il, réellement, toujours plus complexe, ce qui ferait que nous serions fatalement renvoyés à des " solutions " simplistes par réaction – ou bien, devient-il plus complexe du fait que nous nous sommes désattelés de la tâche de le comprendre ? Le Langage subit-il les effets de la complexification du monde ? Ou bien – et je penche vers cette hypothèse – en sommes-nous arrivés à une situation dans notre Langage et la médiation que nous en avons, que nous en faisons, l’usage que nous pratiquons à son endroit, la compréhension que nous en avons acquis, tout cela en étroite corrélation avec l’Histoire telle qu’aujourd’hui (et ne soyons pas naïfs, la corrélation entre le Langage et le devenir du monde n’est pas même une corrélation, il s’agit d’une seule et même chose : le Langage dans son devenir constitue aussi bien l’Histoire), en sommes-nous donc arrivés au point de retournement du Langage, non plus dans ses détails intéressés (par et pour certains voire chacun), mais dans une Vérité universelle qui se fait jour ?
Tout fait sens. Ce sur quoi a reposé, jusqu’à aujourd’hui, un système du Monde en tant qu’il témoigne d’une certitude : d’une foi, est le réseau des différentes croyances pour autant que pensées, réfléchies, articulées (pour les différencier de banales superstitions au demeurant elles aussi signifiantes – mais ponctuellement). A ce titre et symboliquement, chacune apporte sa pierre à l’édifice explicite (humainement) du Monde tel que nous le concevons dans sa diversité même.
Si tout texte sacré a en charge une Vérité, celle-ci est ce qu’elle est parce qu’à la limite, à la limite de sa pluralité – une position en équilibre et d’équilibre nécessaire et suffisante ; et, que de Vérité à vérités, elle perde sa majuscule constitue une simple convenance : une Convenance du Réel. Au delà de tout byzantinisme, pour être Vérité, les vérités font le tour du Réel, et, par exemple, vénérer la Pierre Noire ou Kaaba, au lu de ce qui est écrit plus haut, peut être interprété comme le fait de s’adonner à du négatif (le cube à " n " dimensions, ou encore le Néant central), il n’en est rien car toute Vérité fait le tour du Réel (et, ainsi, aussi le Coran fait son propre tour du réel, c’est à dire du beau comme du laid), ce tout des réalités qui ceignent l’être humain ; d’un enveloppement l’autre. Le Christianisme a ses propres scènes dont l’une, majeure, ou Cène n’est rien moins que la Scène anthropophage par excellence. Car croire en un Dieu revient à croire en une forme de divinité qui décerne de façon ad hoc ses propres formes à l’humanité qu’elle a élue chacune pour soi selon sa " version ". Toute croyance est d’abord un témoignage (du Tout sous les aspects des particularités, quasi exhaustivement).
Pour en revenir au chapitre des Langues, ou encore du Langage, le système a son moyeu, quoique toutes se reflètent à l’aune des autres, dans un jeu de brisures ou de cassures qui donne de chacune une image bancale, dans une inévitable et souhaitable, nécessaire imperfection, une brèche, il n’en demeure pas moins que pour un " Donné " (qu’entendre par là ?) il y a un centre (et je ne saurais comment discerner ce centre dans un système des Foi-s ; si ce n’est, aussi, et alors par un Texte en creux : un Langage dans sa pure abstraction, une sorte de Vide du divin), un moyeu que – et peut-être parce que j’use de cette langue – je pense être le français (au moins temporairement, présentement) pour cette raison que, elle-même en son centre propre, possède et érige une aberration, un effondrement : la voyelle muette, le " E ". Qui est la marque de la trace dans sa disparition même : l’Hymen d’une femme, cette pelure physique, organique toujours devant être rompue – jusqu’à ce qu’elle le soit effectivement (il s’agit là du " Gage " de la Liberté). Delenda est Carthago.
" Un langage s’inscrit à même le corps, il en devient Langue et, Langage ". Mais le mouvement, le mouvement de détenteur, de détonateur, le déclenchement, le délai, le passage que semble supposer cette assertion n’existe pas. Il n’y a de commencement que le mouvement d’avoir commencé et de continuer à commencer. Tout est passage.
Reste : pourquoi un " cube à n dimensions " quand il suffirait de le désigner par le terme de " polyèdre " ? Mais ce serait en éliminer toute la charge humaine et terrestre, immédiatement accessible à (audible par) l’entendement humain jusque dans son présupposé symbolique.
Gageons que l’œil du maelstrom qu’est actuellement l’Islam se creuse dans le Sens que je viens de donner d’un système des Langages/Langues sous sa mesure cubique, celle de notre monde (" l’Homme est la mesure de toute chose, de celles qui sont comme de celles qui ne sont pas "). Et que l’Islam soit né de la Révélation d’un Texte (à un Prophète qui fut, au commencement, un " analphabète " – et je fais cette remarque dans le but d’insister sur une virginité première supposée de tout humain vis-à-vis de et face à la Nouveauté radicale, avec cette réserve que le corps qui reçoit la Révélation fut façonné à cette intention…) va encore dans le sens de cette interprétation lettrée, géométrale et non innocente, qui est en train de se retourner sur elle-même, retournant avec elle, toute notion de " Texte ". Une interprétation qui voudrait se présenter comme la marque du retournement en personne.

mercredi 2 mars 2011

- 3 pour 1 - 1.


A mon chair et tendre,

Mon père est sans doute en train de mourir, à petit feu ou comme de l’eau qui coule hors de nos doigts, il n’est nul barrage que nous pussions intenter, une poussière aussitôt envolée les ronge au fur et à mesure de nos misérables contreforts contre un rien qui nettoie tout dans une odeur d’un corps qui ne se maintient déjà plus ensemble. Les maux s’ajoutent aux maux, ils s’amoncellent les uns après les autres et ils nous eussent fait sourire en des temps plus robustes mais ici, nous sommes pris dans un mouvement qui ne met pas de fin à ne pas s’enrayer, les miettes recouvriront bientôt son dos voûté, sa tête penchée, ses gémissements incessants ; des scories résiduelles que nous devrons alors débarrasser, secouer du fauteuil de son supplice où même il passe ses nuits. " Mon père est peut-être en train de mourir " et même " mon père est probablement en train de mourir ", la seconde formule m’était d’abord venue à l’esprit, puis la première " euphémisée ".
Car la seconde formule, dans ce qui était pour moi une précision toute littéraire ne manque pas de ridicule, c’est à dire, dans ces circonstances, d’obscénité. Or, c’est du probable d’une mort précise que " j’entends " parler. Dont j’ai " l’intention de parler ", et, de tous les termes que nous voulons rassurants et aveugles c’est ce que, pour les traduire avec lucidité, " j’entends ", la mort – dont j’ai l’intention de et dont j’ai l’oreille. Le probable est toujours de mise, dans ce qui reste, au titre où cela " reste ", de temps imparti. Il ressortit uniquement du délai et non du fait, imparable quant à lui et ce, quelle que soit la durée de l’échéance.
" Probablement " – parce que je veux lui laisser une dernière chance, celle de durer encore dans une santé améliorée. Je veux me donner la chance de ne pas y penser, et si malgré tout, il me semble, sotto voce, de ne penser qu’à cette mort, les mots que je formule lorsqu’ils s’envolent de ma bouche par le biais de sons compréhensibles (quand je parle autour de moi, voire en famille), je m’évertue à ne rien en penser parce qu’ils sonnent creux dans leur enjouement optimiste. Nous faisons bonne figure. Et m’entendre penser que " non ", vraiment, il s’en remettra, que " non, ce n’est pas la fin ", c’est que j’ai l’art de me dire cela en silence, alors même que pensé, dans un déni que je crois ou veux croire salvateur. Chaque chose en son temps. Offrons lui son probable dernier Noël avec une apparente gaîté. Toutes les pensées contradictoires sont pour moi, que je dise ce que je ne pense pas ou que je veuille pour moi penser ce que je ne veux pas savoir que je ne crois pas.
Il ne parle pas, ne se confie pas, se contente de souffrir. Je m’approche difficilement de lui et le touche avec réticence, sa déchéance n’a pas encore réussi à apaiser mes répulsions. Je vois cette plante dans son pot de fauteuil rouge, elle n’en finit pas de se réduire en taille tout en montant jusqu’à l’insupportable le son de la télévision, il n’entend plus que ça, il se colmate et pourtant, tête penchée, il somnole ou rumine sans effusions de désespoirs, en silence et sans plainte hors celles que lui arrachent ses douleurs. Il finira par disparaître de sa condition de relief (tout corps a son volume) : lorsque le " probablement " aura atteint sa caducité. Le dernier coup de dé abolit implacablement le destin.

Si je te parle, dans ce texte-ci, de ce corps de mon géniteur, c’est pour, dans une affliction toute relative car très ambiguë et dénégative en même temps, te dire ce que j’y ai dit incidemment, son déclin et sa douleur, l’extrême affadissement de son corps, et l’opposition pour ainsi dire tactile que j’éprouve à son endroit, une opposition qui ne fléchit pratiquement pas.

Mon père est à l’origine de ce que je ne trouve pas ma place dans les anfractuosités d’un corps d’homme, que je sois incapable de m’y lover. Tout corps masculin est une surface répulsive qui n’attire pas ma main, qui ne représente pas une chaleur ou une douceur, il est lisse et réfringent, répugnant. Tout ce que je peux connaître de la tendresse, des rondeurs et des creux, des pentes et de l’attirance à enfouir mes mains et mon visage dans une chaleur, je le sais du corps de mon chien. Seulement de lui, je connais ce que peut être le contact du corps souple et flexible, plein, tendre et agile, doux, et chaud d’un mammifère. J’aime le contact des mammifères. Pour moi, les hommes ne relèvent pas de leur espèce. Ils ne sont que des cubes lisses et durs, coupants et radioactifs.

Je suis triste.

mardi 1 mars 2011

Voli me tangere

Noli me tangere de Pontormo

Miscellanées

Extraits de " Noli me tangere " de Jean-Luc Nancy :
…/…
Chacun ressuscite, un par un et corps pour corps, telle est la leçon difficile, l’obscurité de la pensée monothéiste telle qu’elle fut cultivée d’Israël en Islam en passant par l’Evangile. La résurrection désigne le singulier de l’existence, et ce singulier comme le nom, le nom comme celui du mort, la mort comme ce qui écarte la signification du nom. Être nommé, c’est être en partance et quitter le sens depuis son bord auquel on n’aura, en vérité, même pas abordé.
On n’aura pas touché au sens, voilà la vérité, et c’est cela qui fait le sens béant mais indestructible de la vie/la mort, le jardin/le tombeau. Il faut seulement avoir les oreilles pour entendre ce que dit le jardinier, les yeux pour voir (dans) le vide éclatant du sépulcre, le nez pour sentir cela qui ne sent rien.

" Ne me touche pas, ne me retiens pas, ne cherche ni à tenir, ni à retenir, renonce à youye adhérence, ne pense pas à une familiarité ni à une sécurité. Ne crois pas qu’il y ait une assurance, comme Thomas en voudra une. Ne crois pas, d’aucune manière. Mais reste ferme dans cette non-croyance. Reste-lui fidèle. Reste fidèle à ma partance. Reste fidèle à cela seul qui reste dans mon départ : ton nom que je prononce. Dans ton nom il n’y a rien à saisir ni à t’approprier, mais il y a ceci, qu’il t’est adressé depuis l’immémorial et jusqu’à l’inachevable, du fond sans fond toujours en train de partir. "

Deux corps, l’un de gloire et l’autre de chair, se distinguent dans ce départ et s’y entr’appartiennent. L’un est la levée de l’autre, l’autre est la mort de l’un. Mort et levée sont la même chose – la " chose ", l’innommable – et ne sont pas la même chose car il n’y a pas ici de mêmeté. Ce qui se passe avec le corps, avec le monde en général, lorsqu’on sort du monde des dieux, c’est une altération du monde. Là où il y avait un même monde pour les dieux, les hommes et la nature, il y a désormais une altérité qui traverse le monde de part en part, une séparation infinie du fini – une séparation du fini par l’infini. Ainsi de la chair que la gloire sépare d’elle-même. La possibilité de la déchéance charnelle y est donnée avec la possibilité de gloire. …/…
Il s’ensuit également que le " divin ", désormais, n’a plus de place ni dans le monde ni hors du monde car il n’y a pas d’autre monde. Ce qui " n’est pas de ce monde " n’est pas ailleurs : c’est dans le monde l’ouverture, la séparation, la partance et la levée. […] Noli me tangere forme la parole et l’instant du rapport et de la révélation entre les deux corps, c’est à dire d’un seul corps infiniment altéré et exposé dans sa tombée comme dans sa levée.
Pourquoi donc un corps ? Parce que seul un corps peut être abattu ou levé, parce que seul un corps peut toucher ou ne pas toucher. Un esprit ne peut rien de tel. Un " pur esprit " donne seulement l’index formel et vide d’une présence entièrement close sur soi. Un corps ouvre cette présence, il la présente, il la met hors de soi, il l’écarte d’elle-même et par le fait il la mène avec d’autres : ainsi Marie-Madeleine devient le corps véritable du disparu.
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Extrait d’une Lettre de Pierre Vidal-Naquet sur Michel de Certeau (extrait donné par Carlo Ginzburg dans son " Le fil et les traces ") :
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Nous le savons désormais, l’historien écrit, il produit le lieu et le temps, mais il est lui-même dans un lieu et dans un temps. Mais ne reste-t-il pas indispensable de se raccrocher à cette vieillerie, le " réel ", " ce qui s’est authentiquement passé ", comme disait Ranke au siècle dernier ?
J’en ai la très vive conscience au moment de l’affaire Faurisson qui, hélàs, continue. Faurisson est, bien entendu, aux antipodes de de Certeau. C’est un matérialiste en sabots, qui, au nom du réel le plus tangible, déréalise tout ce qu’il touche, la souffrance, la mort, l’instrument de la mort. Michel de Certeau s’inquiéta très vivement de ce délire pervers et m’écrivit à ce sujet. […] Mon sentiment était qu’il y avait un discours sur les chambres à gaz, que tout devait passer par le dire, mais que, au-delà du dire, ou plutôt en deçà, il y avait quelque chose d’irréductible que, faute de mieux, je continuerai à appeler le réel. Faute de ce réel, comment distinguer le roman de l’histoire ?
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Extrait de " Un coup de dès jamais n’abolira le hasard " de Stéphane Mallarmé :
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RIEN N’AURA EU LIEU QUE LE LIEU

Noli me tangere de Titien