mardi 25 janvier 2011

Une image de la Grâce

Giuseppe Penone
Peau de feuilles

dimanche 23 janvier 2011

Fontaine (jetée) aux quatre vents - Le commentaire dans son absence


Le toit, sur sa pente, sous le soleil émergeant de la pluie, rutile. La mosaïque tient, les tuiles se montrent, juxtaposées régulièrement, clinquant l’humidité, et nulle infiltration de moisissure, le corps est étanche de la maison reclose sur la poche de son intimité douceâtrement tiède. A l’abri entre des vitres tachées de petits disques aqueux et coulants mais propres sous le joug, moi.

Le pic du compas placé, la circonférence s’accomplit sans marquer de limite. Depuis sa pointe d’eau bruissante, la fontaine projette l’horizon, doré par le filtre clair-obscur d’une saison indéfinie. Je repense à l’été comme à quelque chose que, profondément, je pense, dans l’étirement indéfinissable d’un sentiment qui fait retour alors que s’éloigne, de tout temps vers le fond des temps, ce que je désire placer à l’horizon récurrent et impossible de l’advenir.

Faute d’avoir été, le cercle se perpétue. Etoiles en fragments oder taches de sphères éparpillées et lointaines, atmosphères de regrettées éternités à toujours devoir poindre sous la vue et sous la vie, voix d’une vie figée, voix figées dans l’aliénation au silence comme à ce bruit même d’où s’élève le vide liquide, répétitif, instable de la mort étale. Contrastes délités. Finalement, ou presque, le mouvement de propagation des événements se fige artificiellement dans le creux de l’onde, dans son mouvement même. Klüfte und Schlüfte. Les fosses se comblent de végétation, saturées par la toison d’une bête torse retordue sur soi pour retourner là, ici d’où et dont le rien provient.
Marche/Arrêt sous l’index actionnant le commutateur fluide. Interprétation pervertie de l’âge du possible comme impossible.

Il serait inapproprié de penser que quelque écrivain d’un monde quelqu’il soit, d’où qu’il vienne, en quelque sorte ne s’exprime pas en français. Ma langue étrange me dure partout. Chaque instant me donne le souvenir de ce que je suis et ce, pour l’éternité d’un éternel été, par essence défunt de ne pouvoir être freiné dans l’accélération de son passage.
La nostalgie est de reconduire l’éphémère mais, puisque le présent se joue sur le mode de l’absence. Ainsi percevons-nous, selon la maille ajourée du souvenir indéfectible, coupant l’eau vierge de cicatrice d’où l’épée s’est à temps retirée – le devoir accompli.
Le temps s’aide. Le temps a cédé.

mercredi 12 janvier 2011

Fontaine (jetée) aux quatre vents - Appendice

Joseph Benedikt von Eichendorff



SEHNSUCHT

Es schienen so golden die Sterne,
Am Fenster ich einsam stand
Und hörte aus weiter Ferne
Ein Posthorn im stillen Land.
Das Herz mir im Leib entbrennte,
Da hab ich mir heimlich gedacht :
Ach, wer da mitreisen könnte
In der prächtigen Sommernacht !

Zwei junge Gesellen gingen
Vorüber am Bergeshang,
Ich hörte im Wandern sie singen
Die stille gegend entlang :
Von schwindelnden Felsenschlüften,
Wo die Wälder rauschen so sacht,
Von Quellen, die von den Klüften
Sie stürzen in die Waldesnacht.

Sie sangen von Marmorbildern,
Von Gärten, die überm Gestein
In dämmernden Lauben verwildern,
Palästen im Mondenschein,
Wo die Mädchen am Fenster lauschen,
Wann der Lauten Klang erwacht
Und die Brunnen verschlafen rauschen
In der prächtigen Sommernacht.







NOSTALGIE



Tant d’or brillait au firmament,
J’étais tout seul à ma fenêtre,
Et j’entendais très loin dans le silence
De la campagne, le cor d’un postillon.
Mon cœur brûlait en tout mon être,
Alors j’ai pensé secrètement :
Ah, si l’on pouvait partir avec lui
Dans la splendide nuit d’été.

Deux jeunes compagnons passaient
Là-bas au flanc de la montagne,
Je les entendais chanter en marchant
A travers la contrée tranquille :
Chanter les vertigineux gouffres
Où les forêts bruissent si tendrement,
Les sources qui se jettent du fond
Des ravins dans la nuit des arbres.

Ils chantaient les statues de marbre,
Les jardins redevenus sauvages
Sur les pierres sous de sombres ramées,
Les palais au clair de lune,
Où les filles écoutent aux fenêtres,
Quand s’éveille l’écho des luths
Et que les fontaines assoupies
Bruissent dans la splendide nuit d’été.

mardi 11 janvier 2011

Fontaine... VIII


Dieu a longtemps servi de prétexte, de moyen, de filtre voire d’étalon pour interpréter l’Homme, c’est à dire l’homme, et accessoirement, de façon biaisée, la femme. Mais dieu n’est plus.

Vrai-ment ?

Ici, le concept " Dieu " ressuscite par soubresauts sous la forme d’un épouvantail de pa(cot)ille. " Et nous irons dans les champs de pâquerettes vraies, téter par nos bouches nues, en nous allongeant sous la vache vraie, la sève directement à son pis – à nos risques et périls vrais ". Là, dieu est encore et toujours, une notion aussi floue que poisseuse et résistante, persistante. Et là encore, il est une masse d’acier qui s’abat sur les crânes pour leur inculquer par le coup, le dogme carré de la fermeture. Etc, etc…

Délai-terre…

Mais cette journey tristement entamée dans le cours d’une nuit, par le spectacle de la nuit, dont le feu d’artifices perce l’obscurité de ses noyaux infracassables et brûlants, ces noyaux de la glace chauffée à vif, fusées de braise du désespoir – va se retourner comme le gant en une apothéose diurne.

Renversées les braises des feux, renversées en oiseaux lâchés hors d’haleine hors de la cage. Ivre du libre livre, cette immensité sans page du cercle, bleue, déborde de martinets catapultés dans la jouissance du vol, dans un chaos de jets où jamais il n’y a heurt. De la lumière des feux, blancs sur le fond noir de la nuit, se bascule l’état, noirs sur jour, en grains éparpillés du martinet innombrable, émietté, démultiplié et délirant, fou de joie à éprouver l’espace. Tombant comme ils remontent, ils sillonnent les airs dans tous les sens. Cela chuinte, crie et module en une cacophonie dérythmée, splendide. Grains d’oiseaux ramassés en leur point, chacun, dont la surface ne bave pas, la coupure est nette de chacun à l’espace dont ils sont différenciés, et sur quoi glissant, ils glissent dans les couloirs ouverts de l’air, déboulant comme des balles acérées, issues de canons fumant de vitesse. Et encore, le déconcert de stridences. Et encore, un vent provenu de partout, en tourbillons roulé-boulé par cette manne d’ailes folles en mouvements perpétuels, ébouriffés, échevelés. Le jet éclaté se disperse et se rassemble, il revient, il repart. Tout cela n’a pas de sens. Tout cela n’a de sens que de la folie.

C’est dans tel moment improbable et éphémère du spectacle de la joie, dont l’absurdité a de la beauté le chapeau pour se couvrir la tête, que scintille une liberté toute en apparences et appartenances. Les feux de l’artifice du jour s’éteignent et s’allument, il ne reste qu’à en endurer l’alternance, le mouvement qui clignote et qui nous fabrique ; en désespérant là même où l’on espère. La nuit pour le jour et le jour pour la nuit, les temps s’en vont, et, ma demeure porte en elle le chiffre de la destruction.

lundi 10 janvier 2011

Fontaine... VII


Et je n’en finis plus de macérer dans le célibat. Je suis prise entre le marteau de la cendre et l’enclume de la poussière. Ce qui revient à dire que la question enfin formulée de mon interrogation initiale se pose ainsi : " Qu’est-ce que – comment, être femme ? ". Comment puis-je – qu’est-ce pour moi, être une femme ? Je suis prise entre le sexe et le genre. Cet " être-femme " passe par la compréhension des tenants et aboutissants que cet Être-là suppose ? Ou bien est-ce, là, la question-écran d’une incapacité à m’assimiler moi comme moi ?

Mais il me semble que doivent se résoudre ensemble la question de la nature de ce que je suis et le chemin d’y parvenir. Cela s’appelle une " perlaboration ", mot qui sonne comme et établit : la parenté étroite entre " perle " et " élaboration ". Il s’agit d’un travail, d’un devenir mordant, mangeant au corps pour lui restituer dans le mouvement inverse habituel de la digestion, non pas un déchet, donc, mais un commencement. Cela ne débute jamais par le fait de débuter mais plus sûrement s’achève par le mouvement de débuter. Nous y sommes. Y jaune.

La question ne se résoudra que d’avoir été résolue. L’être vient avant la pensée ; à moins qu’ils ne viennent ensemble mais que nous ne soyons pas assez rapides pour dire cela que l’on pense. Mais aussi, pour qui écoute, les choses sont dites avant que nous ne les entendions. Tout le devenir consisterait donc à " entendre ", mot qui n’est pas que celui de l’écouter, de s’écouter mais de " comprendre " depuis la marge où nous place notre place au sein d’un monde, au sein du monde dans son actualité.

La question de savoir ce qu’est une femme ne se pose pas.

Et si réponse il y a, elle ne repose que dans le devenir inhérent à tout être. Cela va de soi…

dimanche 9 janvier 2011

Fontaine... VI


Comment, donc, puis-je, oscillant du " je " au " nous " – et donc au " vous " que la première personne du pluriel incorpore – comment puis-je admettre, dans mon monde solipsiste, cette intrusion d’un " tu " sans qu’elle n’en sape immédiatement les bases ? Comment ? Comment – la question se pose ? Vrai-ment ? Mais, voyons… Mais – j’aime. Oui, j’aime. Et cela ramène à peu, beaucoup de contradictions, et cela va même jusqu’à ériger avec la plus grande solidité ce monde mien en sa Raison sur… un Paradoxe. Pourquoi, donc, un paradoxe ne serait-il pas viable ? Je vois mon paradoxe comme l’acmé où se rejoignent en sa pointe, la chose et son contraire. Et sa verbale formulation immédiate consiste en ces mots : " je ne saisis pas mon amour pour ce qu’il est ". (Avec ce que le verbe " saisir " laisse entendre de sens dans le sens même du pensé et du senti).

Que l’on comprenne bien ce que cet état de choses, cet état de faits, notre amour, appelle, dans notre relation, de réciprocité dans un monde mien solipsiste. Le mot clé qui ouvre à l’entendement et ce faisant résoudrait, rendrait à l’état de poudre soluble, le paradoxe, dès lors moulu en possibilité d’assimilation intellective, ce mot – magique – est celui d’une " Condition ". Oui, la banale condition, facilement introduite par le petit " si… ".

Mais je me passerai ici du " si ". La condition d’un monde qui ne connaît, qui n’admet en fait d’hypothèse que " soi ", ou, sous un angle légèrement dévié, qui n’admet que " moi ", cette condition introduit l’autre au titre d’" Aimé " ; quand celui-ci est le fruit de l’équilibre et sa cause ; pour un être comme " moi " qui se prétend seule sans déréliction, au sein d’un horizon qui s’absorde dans l’identique – " moi " – dans l’identique de la résorption. L’aimé fonde ce monde solipsiste au titre même de sa différence. Il est la condition du devenir établi en circuit fermé de la rotation de la roue. Il est, pour moi, une " Hypothèse ". Mais dans un monde – le mien, qui n’admet pour moteurs que les probabilités ou improbabilités d’un Possible articulé à un Impossible, le moyen d’une " hypothèse " paraît être de ces impossibles de nature qui ont une réalité certaine – et il faut admettre que l’Hypothèse de l’Aimé est toute ma réalité. L’Aimé comme hypothèse est Le leurre, leurre à toute vie nécessaire, à la vie consubstantiel. Parce que je ne fais pas l’économie de l’illusion.

Cet amour transmis, né à soi par la parole, a acquis sa vérité à développer comme un spray, les postillons lancés de la voie. Cette pulvérisation, cette dispersion me revient à chaque effusion en plein cœur parce que la paroi, à l’infini de mon horizon située, en brise la dissolution, la perte ou l’errance dans l’univers par le mouvement de retour, directement induit par la limite im-probable de mon monde. C’est ainsi que je sais que j’aime. Mais que je ne saisisse pas cet amour est une énigme. Parce que, physiquement, cet homme manque encore à sa présence – à ma présence ? Il est absent, quoique je l’appelle de tous mes vœux. Mais, il existe bien ; il est réel au-delà de tout doute. Je le connais.

J’ai sabré, depuis toujours, à tout dieu sa tête comme on décapite un champagne. Mais à l’aimé j’ai vissé aux épaules, l’ampoule d’une étincelle éternelle.

samedi 8 janvier 2011

Fontaine... V


Mes traumas – et nul n’est indemne, finalement – se sont abattus sur moi comme autant de mains dressant toutes, chacune l’index autoritaire d’une loi, autant de lois, le plus souvent contradictoires. Face à cette forêt levée, se cacha l’instance de l’unique loi que je m’aperçus respecter seule, celle salvatrice de mon amour pour un autrui de toujours, amour qui, pourtant, déploya l’éventail d’une surface dont l’étendue en toucha d’autres. Mais ce qui fit la Raison de mon mouvement persista toujours dans sa décision de rejoindre cet autrui bien précis, serait-ce au travers d’autres. Dehors, on attendait. On attend encore, et depuis longtemps je procède à l’éviction d’histoires qui composant ma vie, la dénient. Je parle, comme on peut chanter, par le plein évidé de la gorge d’une cantatrice, avec jouissance. Peu importent tous les cadavres que j’ai pu sortir des placards de mon immense demeure, ce ne furent que – et ils restent, des détails. Leur nature est le détail.

Il pourrait sembler impossible de tirer la morale d’une fable quand tout, de cette fable qui nous résume sans s’avérer jamais pour nous et par nous cernable, y fait fonction de détails. Pourtant quelque chose émerge que l’on peut appeler Liberté et qui a pure valeur de débris résiduel puisqu’elle est ce qui forme l’écume de tant d’années passées à analyser – acte que l’on peut presque, paradoxalement, dire " sans introversion ", l’oreille qui écoute est le garant d’une telle défense (au sens de barrière) – à analyser nos propres faits. Cela compose une ritournelle dont le refrain nous échappe dans son leitmotiv même.

On en vient à rejeter toutes ces histoires qui forment notre propre mosaïque en se les assimilant. En pesant de chaque chose le tout du poids et du non-poids. En faisant émerger des lignes de crêtes qui constituent autant de limites, de ces limites qui ne ferment pas mais balisent.

La ligne indéniable, et fluctuante et pourtant, presque à l’image du ciment solide, ligne qui m’habite en toute complétude, passant arbitrairement au sein de moi-même, m’a enseigné, parce que je l’ai pensée, que soi-même constitue le Lieu en soi du pour soi, et que ce Lieu étrange du partage du monde entre soi et le monde-soi, hésite, sans jamais peut-être connaître le doute. Cette ligne me départage, comme subjectivité, d’une objectivité que je contiens mais qui, par une sorte de mouvement de dédoublement, aussi me contient. On aura reconnu mon corps-moi-vie abritant un sexe que l’on peut à peine définir comme organe, mais corps-moi-vie logé dans un monde, dans l’intérieur d’un monde par le " point de touche " premier d’une appartenance à un genre, que l’on peut définir comme le territoire d’effectuations, au titre d’un développement, du sexe qui l’" explicite ". Je suis une femelle fémininement sexuée.

La nature fondamentalement " hésitante " de l’être à se percevoir comme quelque chose de déterminé, autrement dit d’un et de fini, provient de cette double écluse, de cette écluse dédoublée en deux parties aux natures voisines et similaires mais, comme ces deux qualificatifs le signifient, qui n’en sont pas moins deux, au point d’être étrangères et qui contiennent l’être qui, à l’inverse, les contient. Cela produit un effet de miroir qui dans le moment de la réflexion, crée la source et le reflet et dont on ignore, soi-même en tant que subjectivité prise entre la source et le reflet, qui du sexe ou du genre est le reflet et qui la source.

Les enveloppements de l’objectivité et de la subjectivité, leurs enroulements l’une sur l’autre fabriquent l’être. Et le mouvement d’hésitation : de balancement, est sa vie même, le non-repos substantiel de la pensée, son flux de palabres. Être exposé au doute découle d’une mise en suspens du balancement, arrêt qui n’est qu’illusoire et qui plus sûrement consiste en un retournement supplémentaire de l’être sur soi. La différence sexuelle étant la première différence, c’est toujours, en profondeur, à partir d’elle que cet ultime tour de roue, d’ultime retournement de l’être sur soi, fonde le tout premier doute – et donc, la première question. Première question dont la nature première est d’être sans substance : une interrogation à l’état pur ; une masse chantée par une inflexion se soulevant. Interrogation prime à laquelle nul n’est censé ne pas donner suite.

vendredi 7 janvier 2011

Fontaine... IV


Je suis née par mes traumastismes, dans le mouvement même de l’annulation. Je suis, je vis à l’état de résorption, ce que l’on peut décrire par un cercle qui s’enroule dans la persistance de ses anneaux concentriquement, incessamment ramenés à l’annulation concentrée de leur forme ; comme mouvement, c’est une vis plate qui reconduit à son centre, à son origine toute tentative de s’exprimer – alors que l’expression humaine se pratique généralement vers l’extérieur.

Ma conception du langage, alors même qu’il se forme, originellement, par la nécessité de la communication et donc du discours ou de la discussion, ma conception est celle d’un langage comme un jet sur la périphérie faisant retour de cette périphérie vers soi, à l’intérieur d’une sphère. Mon abri est la perle à taille humaine. Le discours se brise intérieurement aux parois de la sphère et revient au locuteur qui n’a d’échange avec l’extérieur qu’illusoire.

Comment, alors, le monde réussit-il à abriter une multitude ? Et si cette mutitude était intérieure, et de moi uniquement le reflet, et à moi intérieurement subordonnée ? De telle sorte qu’une pseudo-ligne séparatrice passerait entre moi qui suis ma subjectivité et moi qui serais l’illusion d’autrui ; cette ligne consisterait alors uniquement à établir une sorte de Morale : ce que je dois dans l’orbe de moi-même respecter comme principe vis-à-vis de moi et qui affecte le monde parce qu’il m’affecte, et qui n’affecte ce monde qui ne se sépare pas de moi, que par la ligne séparatrice qui me fabrique un univers indéniable, irréfutable. Mais il s’agit de moi. Mais ce moi, je lui dois de lui prêter, de lui donner vie par un renoncement qui ne se paie pas d’illusion. Le monde est en moi, le monde n’est que moi, il n’y a que moi ; et pourtant, il y a, pour moi et de moi, une Obligation à ce monde. Mon impuissance à décider du cours du monde, à l’infléchir, mon impuissance, c’est à dire cette inadéquation à mon propre monde, correspond, dans le même temps, dans le temps même, à l’extrême conscience que j’ai de ce monde. Je ne pourrai jamais dire : " je suis innocente " car je suis à la fois l’innocence et la faute, l’acte et son refus. Qui me regarde vivre peut constater, sans erreur, que je suis quasi aboulique et jamais, n’agis. Mais j’agis pourtant, car, en fait, au sein de ce monde mien qui renferme mon observateur même, je pense ; je pense afin de comprendre. Le monde dépend de moi et je dépends du monde dans la mesure exacte où l’action que nous avons l’un et l’autre sur l’autre et l’un, fabrique, au jour le jour, la reconduction du monde et de moi.

Chacun de nous, chaque membre de l’humanité de nos jours, s’accordera à trouver le monde mauvais. Je n’en suis pas responsable, autrui, dans la mesure, rapide, négligente, où je lui prête vie, n’en est pas responsable dans le cadre de son monde propre, monde que j’ignore mais que je ne peux pas (cela n’est pas en mon pouvoir, cela n’est pas de mon ressort) " croire " meilleur que le mien. Mais pour ce qui est de moi, pour connaître un seul monde et ne connaître, au sens où je les suppose, les autres mondes que par l’Imagination – opération qui renvoie à un Réel bien réel – , je maintiendrai que l’objectivité (inhérente à l’hypothèse formulée ici), par sa ligne de crête, dessine une partie de moi autre que moi et qui est le monde, et ce faisant, permet que de moi se réalise une part. En tant que je pense par la distance ce qui ne se sépare pas de moi. Je suis divisée entre la part de la subjectivité et celle de l’objectivité, et tout l’objet de mon discours consiste à postuler que se réalise, par moi, quelque chose sur quoi je n’ai pas de prise mais que, par là-même, c’est moi comme " moi-même " qui est et qui suis réalisé-e (quasi mode passif).

Tout cela définit et repose sur – une erreur de parallaxe : le résultat en est un chevauchement flou des concepts.

L’erreur de parallaxe est consubstantielle à la pensée. Et si je ne conçois pas d’autrui qui ne fasse partie de moi (pour autant que les autres semblent avoir une réalité, par exemple parce qu’ils " vivent " autour de moi, que je les vois vivre autour de moi), je peux imaginer d’autres mondes et à ce titre, là, je m’arrête. Je m’arrête au seuil de l’imagination comme au seuil d’un monde autre, où le possible, bien qu’il soit et parce qu’il est possible, parce qu’il n’est que possible, ne peut pas ouvrir, ne peut pas aider à concevoir ce qui est inconcevable. Mon imagination va partout en tant qu’elle renonce à ce qui ne lui est pas commensurable, elle pose le possible comme possible et aussi, l’impossible comme possible. Mais les mots mêmes de " Possible " et " Impossible " sont lourds de tout ce que, alors même que je suis dans un rapport d’imagination, je ne peux pas imaginer. A ce moment de la réflexion, Possible et Impossible se sont rejoints, leur opposition de sens s’est fondue, ils ne départagent plus le monde. Quelque fertile que soit une imagination, n’importe laquelle, c’est parce qu’elle a, pour elle, des limites, que toutes les imaginations se ramènent toujours, à un moment ou à un autre, à ces mêmes limites, à cette Limite toujours la même. En deça de cette limite, nous pouvons tous nous supposer, et seulement nous supposer, des mondes propres. Quiconque est dit avoir de l’imagination, ne fait que continuer à développer les possibles de son monde personnel, toujours le même. Toutefois cette richesse d’imagination, parce qu’elle existe, est propre, presque à tort, à nous faire supposer une pluralité des mondes. La réflexion se mêle ici étroitement à la faculté d’imaginer, pour donner à la pensée un tour spéculatif. L’unique possible est d’imaginer imaginer.

On peut, moi-même je peux interpréter ma pensée, cette " conception du monde ", comme le fruit de mon étrange enfance soumise à divers traumatismes ; mais nul ne peut la démontrer comme fausse : comme non réellement fondée, comme irrecevable. Et je pourrais résumer autrement ma conception du monde que par la seule pensée d’une multiplicité des mondes. Par exemple je pourrais la définir par une Morale du toucher, dans le sens plein d’une Morale du Tact : de la limite à partir de laquelle il faut, en quelque sorte et même si le mot n’est pas tout à fait exact et pourrait sembler à tort d’une défaite, renoncer – se retirer, se dé-faire d’une possession ou d’une emprise.

jeudi 6 janvier 2011

Fontaine... III

Si le feu a inextinguiblement dévasté et consumé le château jusqu’au rien, sous l’incitation d’une confrontation première avec l’eau, celle-ci effaça, parce qu’elle le lava et le délava jusqu’à la transparence, le souvenir. Je n’ai de souvenir de ce moment architecturé de mon existence, de ce royal moment, que par le recoupement d’archives virtuelles. Le château ? Il exista par ce qui en moi subsiste d’absence – de la destruction de la preuve. Aussi, le concernant peut-on se poser la question : S’agirait-il, dans son évocation, d’une reconstruction ? Vrai-ment ?

Les crimes des jours qui abattent le temps comme on le fait d’un travail, le beau vivant d’un instant qui éclata, me les remémore sous la forme d’actes dépossédés de toute chair et dont la trace bien présente se marque physiquement, concrètement par l’Interrogation. Et pas même le questionnement. Car une question se formule, tandis qu’une interrogation se dit, elle se chante avec l’inflexion de la voix, elle est dans le même temps dans un en-deça des mots alors qu’aussi elle a outre-passé les mots, de ce que ceux-ci s’avérèrent impossibles : ils sont déterminés, ils ont une définition, un sens, une réalité voire une matérialité ne serait-ce que des lettres qui les composent. Et quand l’Oubli, au lendemain de la catastrophe, me fut alloué, me fut remis et donné en lieu et place de tout souvenir, il ne resta que le mouvement, celui du mutisme dans sa forme de mouvement chanté, fredonné qui s’achevait toujours sur son bord ultime par un relèvement incantatoire de l’air : cela prenait la forme aérienne de ce qui transcrit par écrit, se dessine sous la forme d’un point d’interrogation ponctuant un vide. C’est tout ce qui me reste, et pas même d’un " reste ", puisque le temps commençait pour moi avec lui. Je vivais sans passé mais dans le passé en permanence.

A cela vient se joindre, à ce délitement de la mémoire établi, fixé dans une immobilité, une Mémoire phénoménale qui n’oublie rien mais qui emmagasine sans relâche le tout de ce qui se présente. De tout ce qui fait présent au sens où le temps du présent, cet échelonnement en abîme des jours qui s’abattent sur le moment même où ils se révèlent, se donne et s’accorde. Mais ce sac, cette réserve qui n’en finit pas de croître quelque part et à mon insu, logée dans le partout de la chair de mon corps-moi-vie ou de ma cervelle, étouffe toute possibilité de geste. Le don d’un mouvement de coupe, ce mouvement qui brisa ma fermeture et m’introduisit momentanément au geste, à l’acte, lorsque j’entrai en possession de mon château, alors que je n’avais pas même quinze ans, ce don s’est résorbé, la chair ne fut pas physiquement refermée mais l’idée en fut recousue. En effet, c’est la conscience, avec ce que cela suppose de mémoire ouverte à disposition, qui maintient la liberté dans son efficience. Certains ou certaines se passent de la liberté de cette nature, mais à bien creuser, il reste toujours la marque dans l’être du passage qui ne se fit pas. Je maintiens un peu ma liberté, malgré tout, en me soutenant de la marque physique de la destruction, par l’absence de cette marque dans sa marque. Mais l’effort que cela nécessite, est épuisant au-delà de tout.

Or, quoique marquée au corps, cette " liberté ", dans l’ignorance, longtemps, de ce corps-moi-vie qui fut le mien, je l’ignorai et elle me tourmenta. J’en fus un peu délivrée de savoir, de découvrir soudain, quelques années après les faits, par un concours de circonstances bienveillant et calculé, que, chez moi, le passage avait été pratiqué. Ce fut un apaisement mais je suis suffisamment lucide pour comprendre et sentir toute l’hypocrisie de cet apaisement car celui-ci consiste en une pure facticité.

A ne pas se souvenir, à avoir perdu une part de soi mémorielle, on en vient à ne connaître la liberté que par le truchement verbal, je veux dire par là presque lisse et plat (et ces deux adjectifs ne sont pas innocents), de la lisseur et de l’étalement d’une page de papier recouverte de signes, donc, à ne connaître la liberté que par un truchement livresque (et ce n’est pas dans les pages d’un livre que j’avais appris la trace du passage en moi). Je compris, certes, tout l’abus qu’il y a à apprendre à vivre à travers le Livre, le symbole d’un livre. Je dois toutefois, pour être juste, avouer que c’est cette découverte de la nature livresque de toute révélation : parce que toute révélation peut rétrospectivement se lire et/ou s’écrire, que ce " rétrospectivement " est à la racine substantielle du lien fondamental entre Vivre et/ou Ecrire, oui, j’avoue que cette révélation dans sa forme livresque qui ne doit rien à un livre en particulier mais à tous les livres, ceux-là mêmes que je n’avais pas lu et n’aurai jamais le temps de lire, cette révélation de papier, bien qu’elle ne se raccrochât pas à moi par le biais de mon histoire concrète personnelle, renvoie toute entière à ma vie par la facticité. Il y a une identité de nature entre la facticité de se savoir, à défaut de se sentir, libre – grâce au ouï-dire d’un concours de circonstances bienveillant calculé, c’est à dire par quelque chose d’acquis quasi intellectuellement (quand bien même cela est marqué au corps : cela reste lettre morte), et cette facticité de vivre exclusivement au travers de la lecture – quand on sait que c’est un pis-aller, un divertissement. C’est la même facticité de la Liberté, dans un premier temps parce qu’elle n’est pas vivante et qu’elle consiste en un souvenir sans chair, dans un second temps, articulé au premier, de liberté vécue par procuration instantanée.

La facticité de ma liberté constitue ainsi, en elle-même, toute la nature de ma liberté, c’est à dire toute la nature de ce soulagement en permanence reconduit, " soulagement " senti, éprouvé qui, pourtant, n’ignore pas qu’il repose moins sur une construction ou une reconstruction que sur un étrange Possible – puisqu’ayant supposément eu lieu, et même réellement, il peut, marchant en cela à l’envers ou sur la tête, il peut se profiler dans le devenir d’un probable par sa non-reconduction, ou son impossibilité. Un possible est, dans sa définition, quelque chose d’ouvert à une possibilité d’effectuation, et ce Possible qui fait toute la facticité de ma liberté, parce qu’il a déjà connu le champ de son effectuation, peut demeurer possible par une sorte non plus d’ouverture dans le sens du temps mais d’ouverture sur une rétroaction. Le soulagement bien senti, réellement éprouvé de ma liberté est factice car menacé dans le moment même, actuel à tout moment, de sa réalité, menacé par un Possible parce qu’il est strictement un possible, c’est à dire qu’il pourrait ne pas se " possibiliser ".

Ma liberté est bien réelle alors même que factice. Il y a quelque chose, dans le temps et du temps, qui ne vient pas comme par une vague, recouvrir mon oubli et ce faisant me confine à la facticité dans la liberté. Il s’agit de la Connaissance au sens d’une con-science qui ne se fait pas, il manque cette chose que d’autre, très averti a nommé : " co-naissance ".

Quoique semble pouvoir être daté à ce point-ci du raisonnement, au sens d’" autorisé ", le début de parler à un autrui particulier : en vue d’acquérir cette co-naissance par son expérience vive ; ce " parler " à l’autrui particulier se fait depuis longtemps. Le commencement de toute chose ne se fait jamais par le début. Le commencement est là, pour le coup, toujours une reconstruction. Et même, il constitue dans son avénement (ici) toujours une étape qui dans le cours du parler se fait de façon diffuse et immanente sans cesse. Mais cela se rassemble (ici) toujours un beau jour, au hasard du passage du temps.

mercredi 5 janvier 2011

Fontaine... II 2.


L’absurdité du problème ainsi à moi posé, provient de ce qu’il se situe exactement là où fait absence toute forme d’absurdité. Si ce n’est justement à considérer que la Vie dont rien ne peut se détacher et de quoi rien, puisque rien, dans l’ordre de l’existant ne lui échappe de fait, ne se soustrait à son ordre, de quoi rien ne peut prendre de la distance, la Vie qui présenterait quelque absurdité, (si l’on reste sensé, logique, raisonnant et raisonnable et d’ailleurs, même si l’on s’excepte de ces cas de figure) la Vie en tant qu’elle s’alourdirait d’un qualificatif, de quelque chose qui complèterait ce qui représente pourtant la complétude, autrement dit : la " Vie absurde ", la Vie dans " son " absurdité, cela, ces formules n’ont pas de sens. Sauf à dire que " Vie " et " Absurde " sont synonymes, ce qui coupe l’herbe sous le pied à toute considération de la vie comme absurdité. Mais peut-être faut-il considérer que ce qui fait masse homogène ne s’en prête pas moins à l’analyse, c’est à dire que l’esprit humain qui se livre à tout cet exercice, possède la grâce certaine de couper le même et unique cheveu en quatre. Dire la vie absurde c’est ne rien dire si ce n’est un pléonasme, si ce n’est citer une évidence qui de soi-même s’évide dans le silence d’une parole mutique parce que massive. Dieu est-il absurde ?

Le jumelage d’un monde sans dieu et de l’Absurde est la tarte à la crème par excellence. L’hypothèse " dieu " évacuée, le sommet de la pyramide reste encore représenté par un mot qui peut s’appeler " Vie " ou " Nature ", idées dont doit être retirée toute notion d’Absolu ou de transcendance. La " hiérarchie " ainsi établie d’un ordre des choses entièrement contingent, l’absurdité du monde n’a de valeur que nostalgique, mais sera-ce une nostalgie intemporelle, inconditionnelle, radicale ? et finalement trahissant l’élimination de l’idée d’un dieu comme une erreur – au moins d’un point de vue humain une erreur " économique ". Cet épandage du fertilisant " dieu " continuerait sous l’espèce de son ersatz, de son ersatz nostalgique le représentant en creux ? L’Absurde vient combler l’espace qui nous ouvre sur l’infini ? Cette oscillation, ce scintillement d’une porte démontre l’Absurde comme le faisait de dieu le concept de " Dieu "? Pourquoi ce résidu, cette présence, cette démonstration de dieu par l’absurde ? Misaïre ! Misaïre de l’homme-sans-dieu ? Mais la valeur de dieu n’est-elle pas que de commodité – de facilité d’explication ?

Ma persistance, ma complaisance dans le malaise que me suscite la poussière par sa chute perpétuelle, je viens d’en donner l’explication rationnelle, cela peut se résumer en quelques mots : l’angoisse face au passage irréversible et inutile du temps – la mort, la destruction. Mais aussi la répétition des gestes, la dévotion à la chose (en tant qu’objet dans le cas du dépoussiérage d’un intérieur) dans le contexte d’une histoire : celle des femmes, genre auquel j’appartiens. Et dont visiblement la tâche confina dans les siècles des siècles à l’absurde alors même que l’abattage de la bête " dieu " n’avait, officiellement, pas encore eu lieu. Qu’en pensèrent-elles chacune à son époque ? Mais justement le concept de " femme " dans le cadre d’une Histoire n’est que récent, il n’existait pas tel que nous le dégageons maintenant et ces autres femmes d’une autre époque, cela qui crucialement leur manqua et de nos jours manque encore à tout groupe qui se définit par une essence quelle qu’elle soit comme tel groupe (le mot, le concept de " groupe " est inadéquat), cela qui manque crucialement est cela qui construit comme groupe ou, pour les femmes, comme genre. C’est à dire qu’en l’état actuel des sociétés de notre monde, il faut encore pour manier les instruments de la liberté, disposer d’une Réserve. Concrètement pour les femmes, comme genre, cela signifie une certaine habilitation bizarrement " naturelle " à être cela que l’on pourrait devenir et qui présuppose des " maîtres ", au moins au sens d’antécédences du même sexe, pour soulever un possible dans son éventualité. Cette habilitation dans ces qualifications-ci (je veux dire ici surtout ce drôle de mot de bizarrement naturelle), les hommes se la sont octroyée depuis les origines. " Cela va de soi… " explique le miracle masculin, quand bien même toute inévitable Difficulté – dont le doute, entre autres.

Et si les femmes ont eu ou n’ont pas eu un sentiment de l’absurde face à leur confinement à la poussière (ce qui est aussi une métaphore sous l’espèce d’une métonymie), dieu étant encore de leur monde, existe-t-il un moyen historique : ici, rétrospectif de le savoir ? Quelle en serait l’utilité, la finalité ?

La ligne de mon objectivité passe par une appartenance arbitraire à un genre, en même temps que nécessaire, de même qu’une ligne objective me traverse dans ma subjectivité lorsqu’elle en vient à tracer une ligne de partage toute factice, pour ne pas dire fausse, mais ici encore nécessaire, entre moi et mon sexe (et ce terme est à prendre sous son aspect physique " local ").

mardi 4 janvier 2011

Fontaine... II 1.


J’héritai, avant l’âge de quinze ans, du château escompté et des ressources pécuniaires propres à l’entretenir. Doté de nombreuses dépendances que la modernité rendait inutiles, il offrit bientôt d’innombrables salles de séjour, chambres, salons et autres pièces de commodités qui en firent tout le luxe, le confort et la splendeur aimable à habiter. L’enserrant de ses bras, un immense parc que les saisons agrémentaient de leurs dentelles idoines : verts printemps mousseux, étés alanguis d’ombres, automnes allumés feux et hivers aux vitraux de givre naturel dans les cathédrales d’arborescences. Je coulai une vie heureuse. Mais ce fut sans compter sur les rats. Pour rénové qu’il fût, le château parce qu’il est une demeure ancestrale abritait des rats que la couleur bellement rouge des fils électriques avait émoustillés, sans doute sous le coup de quelque souvenir d’enfance. Ils les rongèrent et à la faveur d’un autre hasard que celui de ces rongeurs, le hasard d’une pluie pas même torrentielle, un court-circuit enflamma mon royaume qui se trouva réduit en quelques heures à la modestie d’un monceau de cendres fines ; et la poussière ne cessa plus, dès lors, de former le signe muet de la fatalité, pour moi, qui ne la cherchai pas.

Tout fut décidé en peu d’années. J’estime que lorsque j’eus quinze ans ces rats à la mémoire qui se réveillait sous le coup de quelque alarme, à la vue de la rougeur des linéaments des sous-sols, entreprirent leur œuvre de rongeurs, ils en dénudèrent l’énergie en quelques mois et le feu électrique mis à vif, l’autre coup de destin, celui d’une simple pluie, mit en confrontation deux éléments incompatibles dont aucun ne renonça dans la lutte. La destruction était menée à bien. Le feu avait gagné, l’eau n’avait pas perdu. Mais lorsque plus rien ne s’offrit à leur dent en fait d’aliment où faire rage, il ne resta plus rien, et pas plus du feu et pas plus de l’eau. La poussière fut l’unique ruine résiduelle qui aujourd’hui encore, où que je vive, quelque lieu que j’habite, se répand implacablement au seul rythme des jours du temps qui s’écoule et je tourne à la folie face à cette roue incoercible qui me soumet à la loi que je n’ai jamais respectée du chiffon à poussières. La poussière est mon destin parce que je la vois. Parce que je refuse de me soumettre à la prière d’une récolte sans fin, elle se signale à moi avec la violence du tisonnier, sa cruauté, sa brûlure, son remords. Je ne vais pas en paix. Je fais de chaque jour qui passe le refus du travail sans issue des femmes. Il me suffirait de considérer la chose, légère, et de me prêter à ma vie de célibataire avec le même pragmatisme fonctionnel et accessoire que celui de beaucoup de femmes, et désormais, de beaucoup d’hommes. Mais non, je persiste dans une vie de châtelaine réduite par la solitude à briquer la démesure d’un incommensurable dans le roulement sans fin des pièces qui n’en finit pas de tourner sur soi et de me ramener par le début au recommencement de l’action d’écoper. Bien sûr, ce souci n’est qu’un songe dans sa forme obsessionnelle, il ne m’en prévient pas moins, dans la réalité, contre tout chiffon à poussières et la poussière est devenue, pour moi, l’objet d’une hantise comme le sujet, l’objet d’une réflexion inassouvie où je vais toujours de l’avant. A la roue sans issue de la récolte des débris temporels j’ai substitué la roue infatigable de la pensée pourtant grevée de lourdes inerties.

A l’implacabilité de la contingence de la chute poussiéreuse, à l’objectivité de cette donnée de la Nature sur Terre, à la pluie nécessaire pour la vie, éphémère, indépendante du pouvoir humain et devenue moins imprévisible qu’elle ne reste inévitable en tout lieu sur la planète, à la présence des rats dont la machine onirique comme la machine digestive répondent à leurs corps d’animaux agis par un instinct plus ou moins mécanique, à tout ce réseau de circonstances diverses et imparables dans le moment, le lieu de leur coïncidence néfaste, fait face restant debout, un être comme moi qui a placé sur l’échiquier pour affronter cette Bête brute de l’Innocence des faits, les multiples dispositions de son corps.

Où donc passe la ligne ? On peut me qualifier de malade, la poussière reste indubitable. Où, à quel moment se cousent ensemble ce fait de la répulsion de ma chair au recommencement sans fin du Même éternel dans son abrutissement et abrutissant mouvement, et cette même roue dans ce qu’elle a d’anodin – d’insignifiant, de banal, de bénin ? On peut rapidement objecter que c’est là " question de point de vue ". Mais oui, justement. A quel endroit (ou quel envers) rebrousse la ligne subjective pour laisser place à la ligne, objective, de partition ? Pourquoi revient-il toujours à quelque chose dont nous ne semblons pas responsables, dont la Nature même nous déresponsabilise, de nous séparer du monde alors que par cette coupure même, par elle et elle presque exclusivement, nous éprouvons de la souffrance, nous éprouvons notre douleur, nous la connaissons comme absolument nôtre, personnelle ?

lundi 3 janvier 2011

Fontaine... I 2.


N’y a-t-il, pour la raison humaine, limitée, que cet accès schématique d’une ligne partisane dans le partage qu’elle effectue au sein de l’être entre l’être et son destin mondain, celui-ci mordant de toute son emprise, de toute sa nature sur ce que l’être considère comme propre ? Ne pouvons-nous comprendre les accointances de l’objectif et du subjectif que sous les aspects de ce qui est peut-être une erreur ? Ne dessinerions-nous pas, ce faisant, une ligne qui pour qu’elle se renouvelle, d’étape en étape, revient ? revient par le surplomb sur ce qui fut ? Traçons-nous une spirale ? Cela, par tout autre aspect, semblait une affaire entendue : nous revenons sans cesse, nous savons de quoi il retourne : tout revient dans son renouvellement même. Mais dire que la ligne est de la nature du monde et donc du Hasard pur si celui-ci, marquant par la coloration prononcée de sa neutralité, s’efface face à l’être selon une ligne de fuite en relief… Et la ligne tourne sur elle-même parce que le monde ne dispose pas de ressources inépuisables – non qu’elles soient en nombre fini, mais parce que notre entendement est limité.

C’est en toute objectivité que je ratai systématiquement mes expériences ; les faits témoignent, venus de la périphérie du monde, toujours ils furent contre moi sous des aspects imparables, totalement indépendants de moi, étrangers à moi, à ma propre volonté – indépendants de mes désirs mêmes, cela va de soi. Je fus ma vie durant confrontée à une volonté adverse qui ne se marqua jamais d’aucune intention à mon égard, en tout elle me fut contraire, néfaste qui n’emprunta jamais que les habits, les atours banals d’une indifférence et d’une ignorance à mon égard sans égal, et qui me broyèrent. Aussi ne suis-je pas même une victime, mais à peine une passante.

J’ai quinze ans, un chiffre carré, proche de la raison. J’ai quarante-quatre ans, un nombre pair d’années, ce qui ne signifie pas grand-chose. Si je cherche à tracer la ligne pure qui borde le champ du bel indifférent qu’est le monde et par laquelle mon corps-moi-vie s’abouche à ce champ, je ne vois qu’une ligne cousue à même la chair et qui m’échappe. L’afflux d’échecs auquel mon corps-moi-vie est poreux et par quoi ce corps-moi-vie se sépare du monde, se scinde de l’assimilation pour se faire être un être, cet afflux est ma ligne, ma ligne objective en soi. Je la désigne où je la vois, là où elle se trouve selon ma vue : elle est le contour du mâle. Elle est donc une ligne en volume qui contient le corps de l’homme, une poche ouverte sur ce qu’elle contient, une poche ouverte vers l’intérieur qui m’enferme parce qu’elle m’excepte, dans l’extérieur. Je suis bouclée dehors ; l’infini est par le dedans. Il s’enroule par lui-même et sur lui-même, et cette concavité, cette entièreté complète de l’infini du monde m’exclut : de l’extérieur vers l’extérieur, mon corps-moi-vie que mon esprit ne réussit pas à cerner, à concevoir pour ce qu’il est, c’est à dire une finitude, contient l’infinité. Je suis l’externe, avec toute la déperdition que cela dessine en fait d’image non commensurable. Mais n’anticipons pas. Cette ligne, cette cicatrice irrécusable, inaliénable n’est ni mauvaise ni bonne, elle est. Elle recèle mon probable et il ne revient à personne de dire qu’il devrait en être autrement ; si je peux porter un jugement sur mon existence, sur mon histoire finissante, je dirai que la qualité de l’objectivité qui constitue la ligne de mon partage, est de l’étoffe de la folie. Folie qui s’attache à l’homme qu’elle borde par l’intérieur et folie qui se retourne, " objectivement ", vers moi dont toute la subjectivité n’a jamais été folle. Mais justement, nul n’est jamais fou pour soi et ainsi, à ce titre, de façon objective, parce que la rive qui m’imbibe est faite de l’eau d’une folie limitrophe, je suis, à ce point de contact avec le monde sans que jamais mes mains ne se portent à sortir hors de moi, folle. C’est toujours entre que l’être se trouve déporté, déplacé de son centre et par quoi il s’offre à la considération d’autrui. Je n’existe pour autrui que selon la ligne qui ne m’appartient pas et qui me décide. Le " qui suis-je ? " passe inévitablement par la question du " où suis-je ? ". Et le " qui ? " se réduit à une marge.

Ces hypothèses sont lancées à la cantonade, les attrape qui veut. Libre à quiconque de s’en faire un habit. Car les entrelacs de la subjectivité et de l’objectivité sont inextricables. Il ne faudrait pas me croire folle selon une loi qui n’appartient qu’à moi. Selon une histoire qui ne dessine que moi. Selon des contingences qui constituent mon seul passage. Non. Je ne suis pas objective en toute subjectivité ni subjective en toute objectivité. Je suis folle, je le concède et tout sentiment de l’absurdité de cet état de fait ne me touche pas. Pour autant que je puisse me détacher de moi et prendre de la distance, je ne juge pas ma vie absurde parce que folle bien que pour porter ce jugement d’une folie je me place dans la mesure de toute existence moyenne ou commune. Je n’admets l’absurde que comme jeu. Ce jeu se dilaterait-il et rejoindrait-il la forme de l’infini, s’empêchant ainsi de se mettre en état de " tranche ", de " coupe " sur un fond de sérieux ou de réalité. Le jeu n’est pas un ajout, n’est pas un moment, n’est pas une ornementation. Le jeu est ce qui se détachant de soi emporte avec soi ce dont il se détache. L’absurde est donc une masse, parce qu’il est pur jeu, il prend vis-à-vis de soi une distance qui ne le détache pas de soi. L’absurde colle au monde sur le mode d’une unicité du monde par sa présence à lui-même irréfutable.

J’ai démultiplié les mondes. J’ai vécu une vie pauvre. L’absurde, pour moi, peut se ramener parfois à une virgule. Et l’objectivité narrative de ma folie constitue une histoire par son éviction.

dimanche 2 janvier 2011

Fontaine... I 1.


L’absurde n’existe pas ; ou bien il est l’illusion d’un oiseau, sanglé dans une trop petite cage thoracique aux doigts de fers qui le mordent jusqu’au sang, jusqu’à moudre son corps volatile jusqu’au rien. Non, l’absurde n’existe pas. C’est mon aliment quotidien qui a fini de se signaler à moi. Le monde est de plomb, d’une logique et d’une raison de plomb qui sillonnent à angles droits un territoire vide et léger et sans exigence. Non, l’absurde n’est rien, je ne vois rien qui me surprenne, me fasse effroi, me déroute ou me penche ; je traîne, parce que le monde a un sens, parce que le monde a tous les sens et que je n’en omets aucun. Rien ne m’appartient, rien ne me retient, pas même la fatigue ne me leste. Le monde me courbe sous sa férule par le trop plein de sens qui se déverse en permance dans mes boyaux, qui alimente ma salive, mes glaires et mon sang, il n’y a rien à voir parce que tout est expliqué par tous, parce que tous parlent et argumentent, discutent, communiquent, comptent.
Non, je ne crie pas aux loups ; non, la vie est humaine et par là, ne coupe pas. Non, j’ai beau penser, je pense ; je suis enfermée dans un ouvert qui se rend à moi avec obligeance ; il n’y a de bornes que de portes qui s’ouvrent ou se ferment, sympathiquement. Non, la vie n’est pas sans valeur, non, la vie n’est pas un non sens, non, la vie n’est ni laide ni inhumaine.
Mais demain je serai fatiguée et posément, je poserai une arme sur ma tempe.

Je suis délibérément froide, non que je sois d’un esprit calculateur, mais parce que je réfléchis sans discontinuer, mes rêves mêmes, au sein du sommeil le plus léger et le plus follement insouciant ou affabulateur, empilent des idées et déconstruisent comme ils reconstruisent des concepts. Je me livre sans relâche à l'analyse la plus méticuleuse du hasard qui s’assemble et se désassemble face à moi en toute occasion. L’événement n’est pas tout à fait le grain qui condense aléatoirement le flux indifférent des faits et qui attirerait mon attention, non. Mon attention ne connaît pas de répit et je me livre, comme le jet d’eau délivre un flux soutenu, à la retenue de tout sans discrimination, puis je filtre et sans rien relâcher de ma tension ni de mes acquisitions en insignifiances – soi-disant insignifiances – je me souviens. Oui, je me rappelle tout, du premier a jusqu’aux derniers z. L’innombrable forme mon monde. Et au sein de l’hégémonie des détails, classés ou en suspens, je ne dépasse pas. Ma psyché n’est qu’une hypothèse, une commodité à laquelle je me soumets, du moins en en admettant le mot attribué par mes semblables à moi-même, et cela, au reste, très banalement, mais je ne souscris pas comme me concernant, pour ce qui relève encore de mon propre jugement, au concept de vie.

Et j’ai vu ce jour deux oiseaux décrire dans le ciel de l’anse d’une vaste place, un vol désordonné et ivre cependant que crissait la flûte lancée par jets de leur exultation sonore, ils criaient. Les martinets qui violent ciel et silence du trait propulsé de leur folie, inscrivent ainsi sur l’air un langage qui depuis toujours me prend quand se renouvelle la belle saison, mais que je ne sais déchiffrer que sous l’angle de la déliaison. Depuis toujours le chapelet est rompu et ses grains éparpillés, à tire d’ailes, font l’ascension horizontale d’une profondeur verticale. Il serait absurde de désirer raccommoder le collier dont les perles jamais ne chutent. C’est la liberté sans cesse qui les joue sur la toile qui nous couvre de son immatérialité, comme plusieurs dés qui n’affichent jamais aucun chiffre. Le hasard existe peut-être. Il n’est pas absurde mais il est dérisoire d’en faire une religion, ainsi puis-je me déclarer juste-convenablement-assez athée pour ne classer au nombre des aléas incontrôlables que cette course hirsute d’animaux roulant vers l’abîme. Là-haut les grains nous jouent parce qu’ils ne représentent aucun signe. Ici bas nous les appelons " dés " parce que, marqués, ce sont nos mains qui les roulent et qu’à toute fable il faut à toute force une morale. Même le mot d’" absurde " est inadéquat. Le point qui conclut la phrase n’a pas à avoir de sens. Son rôle est de clore une scession dont je ne me soucie pas qu’ainsi elle affecte autrui. A ce titre le point est une convenance sociale et le grain, un point soufflé dans un volume qui a pouvoir d’achever une existence. Le bilboquet empale des perles. Je ne m’en soucie plus, d’un " ne… plus " qui n’a jamais prié.

Quand je pense qu’il va falloir continuer à aligner des pas, continuer à aller d’un point à un autre. Pourtant il n’y a pas d’espace, cela n’existe pas. Mais cela ne saurait durer encore longtemps, bientôt le repos étale de la fonction létale. Le monde entier enfin rendu, rendu dans un néant ; cela porte pour nom un pari parfaitement baptisé du terme de " pascalien " car il n’y a pas plus beau paradis que celui qui s’ignore et qui s’ignore dans le dérobement total du pur néant. Là il n’y a plus aucun discours à soutenir, là il n’y a plus de corps à tenir érigé dans la fatigue permanente, là gît la liberté de Tout en Tout pour les siècles des siècles, là coule l’eau de la Liberté que je bois depuis l’ici dans tout son pressentiment. Là, l’Eternité. Là, une fin qui commence sans achèvement qui ne soit déjà achevé. Là, de l’autre côté du mur, comme par un basculement atteint, là, sans déplacement atteint, là, l’espace qui s’annihile dans l’étirement à l’infini du temps qui se renonce. Là, le Point " partout " ; là, le Point " toujours " ; là, le Point " jamais ". Jamais plus. Fin. Définitivement " Fin ". Finalité.

Je cherche la mort et j’ignore si, enfin, je trouverai la mort définitive, mais si je reviens, encore, je souhaite avoir égorgé l’espoir et déboucher sur la place immense et courbe où je n’attendrai plus. Je souhaite dépasser ce sur quoi tout le monde compte : ma perfection. Quant à moi, j’appelle de tous mes vœux le renoncement à la perfection, je cherche l’abandon de l’attente – soit, la résignation. Et qu’importe si celle-ci doit définitivement me tuer. Quoi qu’il en soit, je serai, d’un verbe au futur qui trépassera en présent immanent, " morte ".

Je vous écris depuis ma mort en préparation, le " vous " a ici une valeur transitive. Ce ne sera pas une mort pour rire.

J’ai l’intention, à titre de dernières paroles, de relater par l’étude ce que j’entends par ligne quand " ligne " traverse, et départage en toute objectivité l’objectif du subjectif dans l’être. Dans toute histoire, à commencer par la mienne, cette ligne dite objective coupe ce qui lui appartient de ce qui lui départient, elle coupe de sa nature propre ce qui fait l’antithèse de cette nature, elle scinde une chose et son contraire sous les auspices de la chose, elle se marque nette entre sa différence et son identité par cette identité qui donc ne tranchera pas par une différence avec l’une des moitiés du partage. Aussi pourrions-nous douter que cette ligne soit l’action tracée au cordon de l’Histoire, aussi petite soit-elle dans sa majuscule, ou grande, quand elle en vient, l’Histoire, à envelopper l’être et l’infléchir, mortel qu’il est, dans un destin – aussi doutè-je que cet enveloppement se fasse sans contact, sans " touche " sachant que cette touche pour que l’action destinante reste objective en sa ligne, devrait être innocente, immaculée des mains du soi de l’être même.

Les lèvres de la plaie sembleraient hétérogènes, bord à bord abruptement confrontées, opposées – mais non, une ligne passe bien entre le monde et soi, qui est tissée de la matière du monde ; elle semble repousser la brutale confrontation sur une largeur supplémentaire – mais non, la ligne objective, la ligne qui court entre ce que nous accusons du monde et ce que nous reconnaissons de nous, cette ligne tient bien immédiatement du monde. – Parce que je sais que la modalité de notre destin est notre hasard. A partir de cet effort de compréhension nous sommes dans l’indécidable.

samedi 1 janvier 2011

Fontaine (jetée) aux quatre vents - Présentation


Le texte que je veux maintenant montrer à la lecture, j’ignore de lui s’il est audible. Car, bien que relativement récent, il voltige encore sur un sol qui ne s’est pas posé sur cette Terre. J’écris depuis loin dans le temps mais selon un mode où j’ai souvent perdu le sens et les sens à des altitudes – je ne prétends pas là à une altitude des profondeurs, bien sûr – mais à des altitudes d’irréalité où je noie le fil du récit. Dans ce texte-ci je peux apparaître dissoute, l’écriture peut sembler s’effilocher dans l’incompréhensible et l’immatériel, j’y suis abstraite et au-delà de la raison.

" Fontaine (jetée) aux quatre vents " est toutefois un texte-limite. Il a fait le pas de poser le pied du bout des orteils. Il reste que j’ai des difficultés à m’y couler désormais, il me semble inutilement abscons. Et peut-être faux : y a-t-il vraiment dans l’être cette coupure franche et nette, ordonnée selon une ligne distincte, pour le couper lui, l’être d’avec le neutre ? J’en doute, mais, d’ailleurs, je ne sais si c’est la thèse du texte. Si cette hypothèse est vraiment celle que je tends à formuler dans ces lignes qui me restent, par moments, très chères, pourtant. (Et je ne me rappelle pas, à ce titre, y parler de " neutre ", c’est une interprétation postérieure et sujette à caution). A tous égards, j’hésite quant à ce texte.

Il a été écrit avec, en esprit, un poème d’Eichendorff : " Sehnsucht ", " Nostalgie ", pour ses deux derniers vers qui renvoient à tout le poème et pour lesquels je me rappelle avoir donné, à un professeur de littérature allemande, un éclairage qui allait dans la direction diamétralement opposée à celui qu’il attendait. Je m’en expliquerai dans l’appendice que j’ajouterai à la fin de mon texte. Où j’ajouterai le poème d’Eichendorff en allemand et en français.

" Fontaine (jetée) aux quatre vents " a été écrit entre le 11 mai et le 16 mai 2009.