vendredi 12 mars 2010

Loto-Fiction IV


Cela s’installe. Un trait bleu, implacable et large, devant les fenêtres – la mer. Et des coups de canifs acides qui en ont déchiré l’apparence épaisse et montrent par la trouée, des voiles que le blanc sous-tend parce que le néant qui soutient toute chose a cette neutralité de la matière fade. Des voiliers se déplacent, remuant à la surface des choses ou bien de la Méditerranée, des accrocs dans la toile qui démystifient le système de la Nature. Tendu de consistance trompeuse, le monde s’étale en travers de nous, il est fixé aux quatre coins par des piliers qui tirent bien sur son tissu : de façon à ce qu’il ne plisse pas ; il ne faudrait pas que l’on soupçonne, que l’on suspecte que tout, tout cela ne consiste qu’en un voile. Les bateaux, ici, véhiculent une vérité que nous omettons de voir en la cachant dans le mot " Beauté ". " Paysages " de rêve, illusion – mais impitoyable vérité. La Mort est derrière le tout du monde.

Pourquoi cette triste envolée lyrique ? Tu t’es longtemps déplacé à l’image du voilier sur la crête horizontale de toute eau. De celles qui balancent comme de celles qui fuient sous la poussée du courant. Tu étais ce rameur aux aréoles de sueur qui pissait aux poissons une semence rancie que seule l’attente transformait pour moi en le plus beau liquide lactescent. J’espérais, une méta-morphose, une alchimie. Et force m’est de constater la nature indéfectible de l’urine : il n’y eut pas de Cana pour nos morganatiques noces. Tout se crée, se transforme, rien ne se perd ? Vraiment ? Tu es donc la mort puisque tu fus l’aboutissement de toute chose avant que d’avoir été. Le point qui conclue la phrase, en toi, est posé alors même que se dessine la majuscule qui l’ouvre. Et ce qui nous différenciait et ne nous différenciera plus, c’est que tu étais mon principe, je ne m’ouvrais qu’à me fermer, ainsi que le voulut la réplique que je fus. J’acquiers maintenant une autonomie et si je ne sais encore que fonctionner selon cette motricité de " chasser-rattraper ", je vais désormais me penser de façon à changer les règles du jeu, de telle sorte qu’elles soient vidées de ta présence. Ton absence constituera, alors, une réelle présence dont la nature n’aura plus rien à voir avec la tienne. Je te raye, je te raille – de façon définitive, irrémédiable, impardonnable. Tu n’es pas intervenu ? Alors malheur à toi. Je te dessiquerai jusqu’à la poudre, je te dissèquerai jusqu’au dernier poil. Dussè-je te tuer de mes propres mains, de la plus aimable manière concrète : le stylet. Le stylet, dans l’apparence anamorphique d’un clavier à musiques délétères. Le grand style, quoi. Ça risque, ça saigne, ça morfle, ça morve. Tapageusement.

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